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FRANCOIS DAGOGNET

FRANCOIS DAGOGNET
Le Musée sans fin

Le musée, temple de la culture « classeuse » et « fixeuse » comme le note Jean Dubuffet, constitue la machine moderne la plus intégratrice comme la plus « académisante ». Elle sacralise d'un côté, elle élimine de l'autre. Cependant, ces maisons (prisons) de la mémoire fleurissent et sont de plus en plus visitées. Comment comprendre cette énigme du monde contemporain ?

On ouvre ici le dossier. On s'efforce d'analyser les solutions qu'on a inventées afin de rajeunir cette institution fossilisée et son fonctionnement. On commente et on éclaire surtout la plus radicale — le renversement —, le musée décloisonné et ambulatoire. Bien plus encore que les autres lieux de l'enfermement (asiles, casernes, prisons, bibliothèques, écoles), les musées nous interpellent et se métamorphosent sous nos yeux.

 


« C'est sous l'aspect du sacré que la bourgeoisie du siècle dernier envisageait la double entreprise qu'elle s'était donné pour mission de mener à bien : capitaliser l'espace et capitaliser le temps. Les seuls monuments originaux qu'elle ait alors créés, inconnus des époques et des classes précédentes, furent en effet les gares et les musées. Volontiers elle leur donna l'apparence de temples et d'églises pour souligner la particulière dignité qui s'attachait à leurs fonctions : marquer les seuils d'entrée aux territoires de l'Empire : soit aux étendues matérielles qu'elle avait conquises, soit aux biens spirituels dont elle avait reçu l'héritage. Il fallait que prendre le train fût cette cérémonie où franchir les portiques et s'engager sous les voûtes, présenter aux gardiens les billets, s'enquérir du quai où le train était, contrôler à plusieurs reprises l'heure de son départ d'un petit mouvement de tête en direction des horaires placardés sous les vitrines closes, gagner enfin son compartiment, fussent les gestes d'un rituel immuable qui préparât l'esprit à communier avec le corps glorieux de L'Imperium dont on s'apprêtait à absorber une part. Il fallait semblablement qu'aller au musée fût cette communion laïque des dimanches après-midi où, sous le regard mort des gardiens vêtus de noir et d'or, le silence, la lenteur obligée des mouvements et la patiente procession d'œuvre en œuvre marquassent la dévotion à ce corpus d'objets précieux, les uns confisqués à la royauté déchue et les autres acquis par guerre et par pillage. Et c'est sans doute parce que la bourgeoisie n'avait en droit rien possédé de ces objets, mais se les était appropriés de fait qu'il lui fallut inventer l'histoire et, avec elle, la fiction humaniste de la culture." Jean Clair


FRANCOIS DAGOGNET
les noms et les mots

C'est pourquoi la poésie devrait pouvoir nous guérir d'un langage trop réglementé et trop asservi; aussi souhaitons-nous l'intégrer à l'enseignement, dès le commencement de l'école. Par là, elle corrigerait, grâce à cette néo-pédagogie, la domination d'une orthographe mal conçue.
... Nous indiquons, dans une annexe, ce que nous recommandons; nous prenons acte de ce que la poésie renouvelle « la science du mot» (une onomastique philosophique), libérant ce mot de ses foncrions et l'auronomisant, puisqu'il sera lu et entendu pour lui-même.


FRANCOIS DAGOGNET
L'homme maître de la vie?

On a cru, longtemps, que le soleil tournait autour de la Terre. La "révolution copernicienne" a changé notre regard sur l'univers. Aujourd'hui, la "révolution biogénomique" impose d'autres bouleversements. L'homme cesse d'être entièrement soumis à la vie, mais la vie commence à dépendre de l'homme, qui peu à peu en devient le maître. Le bio-pouvoir, assailli par des fantasmes de toute nature, se veut libre, et, sous couvert de scientificité, désirerait échapper aux contrôles. Convient-il de lui fixer des limites? La philosophie a toujours tenté de comprendre la vie, mais ne peut pas ne pas se soucier de ce qu'entraînerait, sur le plan social, humain, le déploiement d'une telle "puissance prométhéenne". Il vaut la peine, assurément, d'écouter sa voix.


FRANCOIS DAGOGNET
La peau découverte

"Il a donc fallu qu'un saut s'opère ou que le vivant en arrive à l'acte majeur - se retourner, mettre à la surface sa sensibilité et remiser au fond le tissu solide dans lequel il se barricadait, la colonne vertébrale, l'osseux sur lequel il s'édifiera. Aussitôt le dehors du dedans lui permettait une vie informée, alerte et vive."


REGIS DEBRAY

REGIS DEBRAY
Un candide à sa fenêtre

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pas une seule phrase interessante de cet aigrivain à retenir. (Lieux-dits)


REGIS DEBRAY
Eloge des frontières

"Opposant l'identité-relation à l'identité-racine, refusant de choisir entre l'évaporé et l'enkysté, loin du commun qui dissout et du chauvin qui ossifie, l'antimur dont je parle est mieux qu'une provocation au voyage : il en appelle à un partage du monde. "


REGIS DEBRAY
L'obscénité démocratique

Une communauté tient sa cohésion d'un point d'inactualité, d'un trou fondateur situé hors son plan immédiat d'existence. «Que deviendrions-nous sans le secours de ce qui n'existe pas? » Pas d'inter sans meta. Pas de branches à l'horizontale, sans un tronc à la verticale. Qui ne superpose pas au réel un objet idéal de croyance ne composera jamais rien, et partout où le haut s'en va - qu'il s'agisse de Lénine, du mandat du ciel ou du sacré républicain -, le bas se décompose et les sociétés partent en capilotade. On ne triche pas impunément avec cette nature crucifère et crucifiante des collectifs, abscisse et ordonnée, quelles que soient les variations qu'admet au cours de l'histoire cet invariant


REGIS DEBRAY
Dieu, un itinéraire
(qui a reçu un certain "prix Combourg" , le samedi 25 novembre..!.)

"Un homme, cela tient sur ses deux jambes, pourvu qu'on lui donne de quoi manger. Mais des hommes, cela ne consiste pas. Cela s'éparpille dès qu'ils se trouvent livrés à leur nombril et leurs bisbilles. Cela ne tient pas debout, sans un abrupt escarpement pour retarder l'inévitable rechute du singulier dans le quelconque. Ce dont nous prévient par avance le patchwork biblique pourrait alors se formuler ainsi :" Vous voulez une reliance entre vous? Trouvez-vous une transcendance. appelez-la Jéhovah, si cela vous impressionne plus. Mais je vous préviens : si vous ne faites pas un trou dans le plafond, vous allez asphyxier. Peu importe ce que vous y mettez, ce qui compte, c'est la bouche d'air."

 

PATRICK DECLERCK
Les naufragés

"Ils ont, en effet, cette hautaine noblesse de ne plus faire de phrases. De ne plus croire — tout dans leurs comportements le montre — au progrès, aux lendemains chantants des efforts collectifs, à l’avenir de l’homme. De ne plus croire en rien d’autre, au fond, qu’au néant et à la mort. C’est là toute la religion qu’ils ont et ils n’en veulent pas d’autres. Sombre grandeur. Nous ne sommes pas si nombreux, nous les hommes, à pouvoir vivre sans espoir. Ils vivent mal, ô combien. Ils traversent la vie en titubant, en claudiquant, à cloche-pied, à genoux, en rampant. Mais ils la traversent tout de même. Se suicidant très rarement, ils préfèrent rester là, pour rien, jour après jour, année après année, à contempler, hébétés et hilares, la postérité des asticots. Vaisseaux fantômes et mystérieux. Personne à la barre. Grands voyageurs du vide, ils errent loin des pesantes réalités du monde. Funambules pitoyables. Mais glorieux, parce que sans retour. "

"Ils sont le plus souvent ivres et hagards. L’alcool, la malnutrition et la fatigue les condamnent à vivre un état chronique de faiblesse et d’épuisement. Car avec l’alcool, la fatigue est la deuxième grande constante de cette vie. On dort mal dans la rue. On est souvent réveillé par la police, par les « bleus », par les cauchemars, par le froid, par la pluie, par la peur, surtout, de dormir exposé à toute agression… Après quelques jours, tout se brouille : jours, nuits, heures, dates. La confusion s’installe, qui sert aussi à protéger le sujet d’une lucidité qui ne saurait être que terrifiante."


Lettre de JEAN MALAURY à PATRICK Declerck:

"On sent constamment chez vous, au fil des pages, par-delà des rejets qui vous prennent occasionnellement à la gorge, une passion douloureuse, une souffrance pour une humanité ignorée de tous et particulièrement des grands organismes de sciences sociales qui ne l’ont guère perçue, oubliant même de les répertorier dans leurs vastes, pompeux traités et dictionnaires."

"Je souhaiterais tant que la presse conservatrice, socialiste, communiste, écologiste, confessionnelle soutienne votre grande cause et lui donne le retentissement nécessaire afin de peser sur l’administration et ses Bureaux, afin de lui faire adopter d’autres solutions plus humaines et à la hauteur de ce drame.
Ce peuple de désespérés, toujours plus jeunes, toujours plus nombreux et nous tendant la main dans nos rues comme déjà lassés de la vie, méritent toute notre attention. Les médias ont ce pouvoir d’action que je me dois de solliciter dans cette lettre, afin de donner à ce livre de « Terre Humaine » comme tous les autres, sa véritable signification : dénoncer mais aussi agir. "

MICHEL DEGUY
Ecologiques

L'homme est subsolaire, mortel, loquace - être vivant, mourant, parlant. Il vit du soleil ; il sait qu'il meurt ; il est verbe. Ses trois enceintes, traitées en limites à franchir à tout prix, obsèdent l'entendement scientifique, et cette obsession commande le programme : vaincre la mort, en prolongeant la longévité jusqu'à une immortalité subsidiaire ; quitter le système solaire par « conquête de l'espace » ; excéder enfin Babel, cette fourmilière langagière qui entrave l'instantanéité des transactions économiques (freinant la « mondialisation » !) et par un esperanto de « communication » (provisoirement anglish) et par la réduction à l'insignifiance culturelle des logicités (ou, si vous préférez, des parlers et écrits vernaculaires)... peu à peu réduites au silence « derrière » la sensorialité jouissive des corps dictant les goûts, distribuant les opinions concurrentes à satisfaire toutes par la « communication ».


"L'écologie est une vision. Non qu'elle « ait des visions », exaltées ou dépressives, parapsychiques ou spirituelles - mais elle est une clairvoyance. Et que voit la vision ? Des voyants.
Le voyant est objectif, lumineux. Il s'allume en alerte. Les voyants ne sont plus les porteurs du tee- shirt Arthur, les gentils fumeurs de cannabis qui, après leurs premiers poèmes, «rentrent dans la production ». Les voyants sont les phénomènes, « les choses mêmes », qui en appellent à notre clairvoyance. Paroles d'un voyant. Les voyants sont rouges, multiples, terrifiants - comme le tsunami ou l'empoissement du golfe mexicain, la multiplication des déluges ; effrayants comme les famines, les tueries aveugles, les oppressions forcenées des peuples ; glauques comme les méduses de la mer du Japon, ou empoisonneurs lents comme les soins quotidiens de l'Oréal. L'humanité tombe dans les panneaux.
Leur appréhension, leur vision, n'est pas scientifique. Il y aura toujours un Allègre pour en ricaner : faute de preuves (« scientifiques ») du « réchauffement climatique ». L'écologie est affine à ce qu'on appelle la poésie. Elle fait voir. Son sens du monde, le sens de monde pour elle est différent de celui de la « mondialisation ». C'est un autre monde... mais précisément c'est notre monde, confié à l'attachement soigneux des humains, à l'art, à la philosophie et à la poésie ; ce monde avec son ici-bas et son là-haut ; pas un Autre. "

"L'humanité en deux siècles est devenue un multiple de masses et de sociétés ingérables, éventuellement génocidaires, décomposées par l'argent, scindées en moitiés clientélistes de deux conducators, l'un au pouvoir et l'autre « dans l'opposition » : un tiers de l'humanité refuse de tout son être archaïque la sortie hors du traditionnel (Islam et animismes) ; un tiers subsiste par le crime ; le reste « erre dans l'insensé »."



JEAN-MARIE DELASSUS

JEAN-MARIE DELASSUS
Psychanalyse de la naissance

"C'est une rude tâche que de naître. L'homme est finalement une espèce improbable. Il ne vient pas d'une adaptation soudaine et naturelle, d'une astucieuse concordance avec de nouveaux moyens et un milieu donné ; il est au contraire désadapté comme aucune espèce vivante ne l'a jamais été. L'homme est le dissident de l'évolution."


JEAN-MARIE DELASSUS
Les logiciels de l'âme

" Au-delà de la vie prénatale, la plénitude doit en effet continuellement être maintenue, ravivée, confortée ; elle est nécessaire à la pulsion de vie . C' est un flux et un reflux qui ouvre le regard, anime les sens et rend opérante une intense faculté de perception et de compréhension en raison de quoi l'on s'élance dans le monde ."

"Nous ne pouvons devenir des êtres de raison sans d'abord avoir gardé notre raison d'être."


GILLES DELEUZE

La page Gilles Deleuze sur Lieux-dits

JACQUES DERRIDA

Les fins de l'homme
A partir du travail de Jacques Derrida

Sous la direction de
Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy
(Colloque Cerisy-la-Salle 23 juillet-2 aöut 1980)

"Le préambule de Les fins de l'homme, daté du 12 mai 1968, s'ouvre sur cette phrase : « Tout colloque philosophique a nécessairement une signification politique. » Le colloque « Les fins de l'homme » ne se définit pas comme « philosophique » : il doit se donner la possibilité de traverser et de déplacer en tous sens les régimes philosophique, littéraire, critique, poétique, signifiant, symbolique, etc. ; et par conséquent de traverser et déplacer aussi le « politique » et sa « signification ». Son enjeu pourrait être à tous égards, d'entamer l'inscription d'une tout autre politique."
Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy


"...Mais je me suis aussi laissé séduire par autre chose. L'attention au ton, qui n'est pas seulement le style, me paraît assez rare. On a peu étudié le ton pour lui-même, à supposer que ce soit possible et qu'on l'ait jamais fait. Les signes distinctifs d'un ton sont difficiles à isoler, si même ils existent en toute pureté, ce dont je doute, surtout dans un discours écrit. A quoi se marque un ton, un changement ou une rupture de ton ? Comment reconnaître une différence tonale à l'intérieur d'un même corpus ? À quels traits se fier pour l'analyser, à quelle signalisation qui ne soit ni stylistique, ni rhétorique, ni évidemment thématique ou sémantique ? L'extrême difficulté de cette question, voire de cette tâche, s'accuse encore quand il s'agit de philosophie. Le rêve ou l'idéal du discours philosophique, de l'allocution philosophique et de l'écrit qui est censé la représenter, n'est-ce pas de rendre la différence tonale inaudible, et avec elle tout un désir, un affect ou une scène qui travaillent le concept en contrebande ?

[...] D'ailleurs le ton lui-même, qu'est-ce que c'est ? Est-ce autre chose qu'une distinction, une différence tonale qui ne renvoie plus que par figure à un code social, à des mœurs de groupe ou de caste, à des conduites de classe, par un grand nombre de relais qui n'ont plus rien à faire avec la hauteur de la voix ou du timbre ?

[...]...il me vient à l'esprit que tonos, le ton, a d'abord signifié le ligament tendu, la corde, le cordage quand il est tissé ou tressé, le câble, la sangle, bref la figure privilégiée de tout ce qui est soumis à stricture. Tonion, c'est le ligament en tant que bande et bandage chirurgical. "


JACQUES DERRIDA
Béliers
Le dialogue ininterrompu :
Entre deux infinis, le poème.

"Saurai-je témoigner, de façon juste et fidèle, de mon admiration pour Hans-Georg Gadamer?
A la reconnaissance, à l'affection dont elle est faite, et depuis si longtemps, je sens obscurément se mêler une mélancolie sans âge."


 

JACQUES DERRIDA
Atlan. Grand format


Tout près de moi, me suivant ou me précédant comme mon ombre même, le rêveur se laisse transporter, déjà, pieds et poings liés, dans une de ces culture amérindiennes (il les sait bien aimées du peintre), celle des Incas par exemple où l'on écrit avec des nœuds, les quipus (mot quechua signifiant nœud). Dans les archives royales des Incas, le support du message, disons le subjectile, consistait en faisceaux de cordelettes à nœuds, variés dans leur couleur, dans leur tressage, dans leurs formes torsadées. Les nœuds de couleur se mettent à figurer, à la lettre, des lettres. Ajoutez-y le rythme, la danse, la tension extrême, la force qui emporte la forme, la prévient ou lui survit, et c'est la signature d'Atlan.


JACQUES DERRIDA
Chaque fois unique, la fin du monde

"Ce livre est un livre d'adieu. Un salut, plus d'un salut. Chaque fois unique. Mais c'est l'adieu d'un salut qui se résigne à saluer, comme je crois que tout salut digne de ce nom est tenu de le faire, la possibilité toujours ouverte, voire la nécessité du non retour possible, de la fin du monde comme fin de toute résurrection."


JACQUES DERRIDA
Heidegger et la question
De l'esprit et autres essais

..."Ce Discours [1933] appelle au moins trois lectures, trois évaluations ou plutôt trois protocoles d'interprétation.

2)...D'une part, Heidegger confère ainsi la légitimité spirituelle la plus rassurante et la plus élevée à tout ce dans quoi et à tous ceux devant qui il s'engage, à tout ce qu'il cautionne et consacre une telle hauteur. On pourrait dire qu'il spiritualise le national-socialisme. Et on pourrait le lui reprocher, comme il reprochera plus tard à Nietzsche d'avoir exalté l'esprit de vengeance dans un "esprit de vengeance spiritualisé au plus haut point".
Mais d'autre part, en prenant le risque de spiritualiser le nazisme, il a pu vouloir le racheter ou le sauver en le marquant de cette affirmation (la spiritualité, la science, le questionnement,etc.)...Ce discours semble ne plus appartenir simplement au champ idéologique dans lequel on en appelle à des forces obscures, à des forces qui, elles, ne seraient pas spirituelles, mais naturelles, biologiques, raciales, selon une interprétation précisément non spirituelle de "terre et sang".
Quel est le prix de cette stratégie? pourquoi se retourne-t-elle fatalement contre son "sujet", si on peut dire et comme c'est le cas de le dire, justement? Parce qu'on ne peut se démarquer du biologisme, du naturalisme, du racisme dans sa forme génétique, on ne peut s'y opposer qu'en réinscrivant l'esprit dans une détermination oppositionnelle, en en faisant de nouveau une unilatéralité de la subjectivité, fût-ce sous la forme volontariste. La contrainte de ce programme reste très forte, elle règne sur la plupart des discours qui, aujourd'hui et pour longtemps encore, s'opposent au racisme, au totalitarisme, au nazisme, au fascisme, etc., et le font au nom de l'esprit, voire de la liberté de l'esprit, au nom d'une axiomatique - par exemple celle de la démocratie ou des "droits de l'homme"- qui directement ou non, revient à cette métaphysique de la subjectivité. Tous les pièges de la stratégie démarcatrice appartiennet à ce même programme, quelque place qu'on y occupe. On n'a de choix qu'entre les terrifiantes contaminations qu'il assigne. Même si toutes les complicités ne sont pas équivalentes, elles sont irréductibles.


JACQUES DERRIDA
Voyous

"Les premiers et les plus violents rogue States, ce sont ceux qui ont ignoré et continuent de violer le droit international dont ils se prétendent les champions, au nom duquel ils parlent, au nom duquel ils partent en guerre, contre lesdits rogue States, chaque fois que leur intérêt le commande. C'est-à-dire les Etats-Unis."


JACQUES DERRIDA, ELISABETH ROUDINESCO
De quoi demain...

J.D.:" Je dois poutant avouer que c'est seulement aujourd'hui même, qu'avec d'autres, je suis comme pris de vertige devant une évidence, nouvelle pour moi : la société française reste accueillante au retour des vieux démons, en particulier dans des milieux et dans des lieux de l'espace public qui en étaient, croyais-je préservés...

...Une éthique générale de la vigilance me semble nécessaire à l'égard de tous les signaux qui, ici ou là, dans le langage, la publicité, la vie politique, l'enseignement, l'écriture des textes, etc., peuvent encourager par exemple la violence phallocentrique, ethnocentrique ou raciste."


JEAN-TOUSSAINT DESANTI

Dominique Desanti
Jean-Toussaint Desanti
La liberté nous aime encore

"Tout ce que j'ai tiré de ma vie, tout ce que la société m'a laissé comme idées sur elle, ce sont des inquiétudes. Je reste pourtant optimiste en ceci que j'ai confiance en la capacité de révolte des hommes et je tiens pour a-humain tout ce qui s'emploie à tuer cette révolte qui est simplement le désir de vivre." J.T.D.


JEAN-TOUSSAINT DESANTI
La peau des mots

"- Je suis depuis longtemps agacé par le ressassement de notre Bible laïque, la « Déclaration des droits de l'homme », qui à présent s'est décorée d'un «universelle» de plus. Car jamais on ne définit vraiment la notion de « droits », jamais on ne dit - du moins maintenant - à quel homme, quel humain elle s'applique. La première au moins spécifiait « Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ». Donc seuls les « citoyens », les gens de l'êthos, du site où ils s'enracinent, jouissaient de ces droits. La « Déclaration universelle», en revanche, ne parle pas du statut des personnes concernées.
- En somme, ton livre cherchera « quels droits pour quels hommes" ?
- Il n'aura pas tant de prétention, mais c'est bien la direction de ma quête. Au cours des siècles, les pays et les régimes changent, ils sont divers; l' êthos, le site où vivent les hommes, varie, et le statut des humains aussi change selon les régimes et les croyances. Les mots, d'ailleurs, le révèlent. À condition de les prendre par leur peau, de les prendre par ce qui les isole et en fait des signes reconnaissables, différents des bruits et des chants d'oiseaux."

PHILIPPE DESCOLA

La page Philippe Descola sur Lieux-dits


VINCENT DESCOMBES
CHARLES LARMORE
Dernières nouvelles du Moi

Charles Larmore: "La philosophie du sujet faisait partie de ce grand mouvement de la philosophie moderne qui depuis Descartes voyait dans la théorie de la connaissance son premier souci, à force d'être persuadé que le rapport primordial qu'on entretient au monde comme à soi-même est le rapport d'un sujet connaissant aux objets qu'il veut maîtriser.
Descombes et moi-même sommes unis dans la conviction que la voie du progrès est d'abandonner cette perspective. A notre avis, il s'agit de reconnaître qu'on se trouve déjà engagé dans le monde, par le fait même de croire ou désirer des choses, avant d'accéder à une connaissance quelconque de sa vie mentale. Un peu plus loin, il est vrai, nous tombons en désaccord. Car je suis convaincu, à la différence de Descombes, qu'il y a bien un rapport à soi constitutif du sujet (ou du Moi, comme je préfère dire), seulement qu'il est de nature pratique ou mieux normative, non cognitive. Mais il ne faut pas perdre de vue ce que nous partageons. Nous cherchons chacun à briser l'empire de l'image moderne de l'esprit comme spectateur d'abord de tout ce qui existe, son propre être y compris, et seulement par la suite, sur la base de ses conceptions ou « idées » des choses, s'insérant dans le monde.

 

VINCIANE DESPRET
Autobiographie d'un poulpe

et autres récits d'anticipation

 "Nous n’avions, jusqu’à présent, jamais été confrontés à ce type d’archives – et si c’était bien de l’encre de poulpe, rien ne nous prouvait qu’un poulpe était l’auteur de ces écrits. En outre, si tant est que l’écriture puisse exister chez les poulpes, à notre connaissance elle aurait toujours, délibérément, relevé des arts de l’éphémère. Que ce soit en utilisant l’encre sans support, par simples projections dans l’eau, ou en dessinant des motifs narratifs colorés à même leur peau en capturant la lumière – tatouages on ne peut plus fugaces –, il semble que ces animaux aient toujours été préoccupés de ne laisser aucune trace pérenne – ce qui, selon les pêcheurs qui nous ont alertés, n’a rien de surprenant : les poulpes excellent dans l’art de la furtivité, ils en seraient les grands inventeurs."

 


Présentation de l'éditeur: "Connaissez-vous la poésie vibratoire des araignées ? l’architecture sacrée des wombats ? les aphorismes éphémères des poulpes ? Bienvenue dans la “thérolinguistique”, une discipline scientifique majeure du IIIe millénaire qui étudie les histoires que les animaux ne cessent d’écrire et de raconter. En laissant libre cours à une imagination débordante, Vinciane Despret nous plonge au cœur de débats scientifiques passionnants qu’elle situe dans un futur indéterminé. En brouillant les pistes entre science et fiction, elle crée un trouble fascinant : et si, effectivement, les araignées nous interpellaient pour faire cesser le brouhaha de nos machines ? Et si les constructions des wombats témoignaient d’une cosmologie accueillante, offrant ainsi une formidable leçon de convivialité ? Et si les poulpes, adeptes de la métempsychose, se désespéraient de ne plus pouvoir se réincarner du fait de la surpêche et de la pollution des océans ? Par cette étonnante expérience de pensée, Vinciane Despret pratique un décentrement salutaire ouvrant la voie à d’autres manières d’être humain sur terre."

JARED DIAMOND
Bouleversement
Les nations face aux crises et au changement

Traduction de l’anglais (États-Unis) de Hélène Borraz

"Si un extraterrestre mal intentionné voulait mettre au point la méthode la plus efficace pour infecter les humains avec des zoonoses, il tenterait de maximiser ses chances en mettant en contact le plus d’espèces de mammifères possible avec le plus d’humains possible. Et par quel biais miraculeux ? Un marché chinois d’animaux sauvages ! [...] Lorsque le SRAS a fait son apparition sur les marchés en 2004, cela aurait dû être un signal d’alarme pour la Chine, qui aurait dû fermer définitivement ces marchés. Au lieu de cela, ils sont restés ouverts. Lorsque la Covid-19 est apparue à Wuhan en décembre 2019, on a rapidement soupçonné qu’elle avait fait son apparition sur le marché de cette ville. Bien que nous n’ayons pas encore de preuve que cela soit vrai, tout indique que les animaux sauvages et leur commerce en constituent la source."
" La Covid-19 est provoquée par un coronavirus très étroitement lié aux deux précédentes épidémies de coronavirus zoonotiques, le SRAS et le MERS. Ces virus semblent tous provenir de chauves-souris et peuvent nous atteindre, nous les humains, via d’autres animaux, comme ce fut le cas pour le SRAS qui provenait de civettes palmistes vendues sur les marchés d’animaux sauvages."

 "Bref, il est certain qu’au cours de la vie de la plupart d’entre nous, les taux de consommation par habitant dans le Premier Monde seront inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui. La seule question est de savoir si nous y parviendrons de manière planifiée et volontaire, ou contraints et forcés et de façon désagréable.
Il est également certain qu’au cours de notre vie, les taux de consommation par habitant dans de nombreux pays en voie de développement densément peuplés ne seront pas 32 fois inférieurs à ceux des pays riches mais bien plus proches du taux actuel de ces derniers. Ces tendances constituent des objectifs souhaitables, non d’horribles perspectives auxquelles nous devrions résister. Nous savons déjà suffisamment de choses pour aller dans le bon sens ; ce qui manque le plus, c’est la volonté politique. "

 " Le message principal de Walden (H. D.Thoreau) était que je devais découvrir ce que je voulais vraiment dans la vie, et ne pas me laisser séduire par la vanité de la reconnaissance. "

GEORGES DIDI-HUBERMAN

La page Georges Didi-Huberman


JEAN-PAUL DOLLE

La page Jean-Paul Dollé sur Lieux-dits

FRANCOIS DOSSE
Castoriadis
Une vie

"Il n'existe aucune scission entre son être et son oeuvre...Autrement dit, il n'a pas seulement une pensée cohérente, sa vie est cohérente (congruente) avec sa pensée." Eugène Enriquez

La Page Castoriadis sur Lieux-dits


FRANCOIS DOSSE
gillesdeleuzefélixguattari
biographie croisée

À quatre mains. L'œuvre de Gilles Deleuze et de Félix Guattari demeure, encore aujourd'hui, une énigme. Qui a écrit ? L'un ou l'autre ? L'un et l'autre ? Comment une construction intellectuelle commune a-t-elle pu se déployer de 1969 à 1991, par-delà des sensibilités si différentes et des styles si contrastés ? Comment ont-ils pu être aussi proches sans jamais se départir d'une distance manifeste dans leur vouvoiement mutuel ? Comment retracer cette aventure unique par sa force propulsive et sa capacité à faire émerger une sorte de « troisième homme », fruit de l'union des deux auteurs ? Il semble difficile de traquer dans leurs écrits ce qui revient à qui. Évoquer un hypothétique « troisième homme » serait sans doute aller un peu vite dans la mesure où, tout au long de leur aventure commune, l'un et l'autre ont su préserver leur identité et poursuivre un parcours singulier.

ECOUTER sur Univers.fm

Comme le fait remarquer Pierre Montebello, cette " autre métaphysique " a cherché une voie différente à celle empruntée par la phénoménologie, en tournant le dos à l'intentionnalité pour retrouver une relation moins médiée, plus directe entre le mouvement des choses et celui des idées, ce qui doit passer par une provisoire mise en suspens de la conscience. " Imaginer un dépassement de l'homme sur la ligne de crête du cosmos, porter l'humanité à la hauteur du pouvoir immanent qui traverse l'univers. Retrouver l'enroulement créatif de l'être en l'homme pour illuminer et libérer en retour son action et sa créativité au coeur de la nature": telle aura été l'ambition de cette "autre métaphysique".

DANY-ROBERT DUFOUR
La Cité perverse
Libéralisme et pornographie

Le libéralisme triomphant fait peser sur l'être-soi et sur l'être­ensemble une lourde menace: l'assomption d'un homme sadien affirmant son égoïsme et obéissant à un commandement suprême: «Jouis!» On peut reprendre ici l'expression que Hannah Arendt avait forgée à d'autres fins lorsqu'elle parlait, dans Crise de la République, de l'apparition d'une "tyrannie sans tyran" . Dans nos démocraties ultralibéraIes, la fonction tyrannique se trouve démocratiquement répartie puisque chacun agit en fonction d'une intériorisation individuelle de la loi du marché, procédant d'une discréditation de toute instance tierce entre les individus, en recherche effrénée de satisfactions pulsionnelles que l'économie globale s'offre immédiatement à lui fournir. L'idéal sadien, "être tyran", affecte alors le plus grand nombre, et la Cité devient perverse.

 

ENRIQUE DUSSEL
L'éthique de la libération
A l'ère de la mondialisation et de l'exclusion

C'est la raison pour laquelle nous avons jugé nécessaire de présenter un principe absolument universel, complètement nié par le système en vigueur qui se globalise: le devoir de production et de reproduction de la vie de chaque sujet humain, en particulier et de toute urgence, concernant les victimes de ce système mortel qui exclut les sujets éthiques et n'inclut que l'augmentation de la valeur d'échange...

L'éthique ne se construit pas sur des jugements de valeur, subjectifs, de goût. Elle se construit sur des jugements de fait. .. et le fait massif auquel nous nous sommes souvent référés est l'exclusion de la majorité de l'humanité du processus de la Modernité et du Capitalisme, qui sont ceux qui monopolisent, pour leurs agents, la reproduction et le développement de la vie, la richesse comme biens d'usage et la participation discursive aux décisions qui leur sont favorables (le «Groupe des 7» : G.7 (ou aujourd'hui les 8) et qui exclut le reste, les "jetables", leurs victimes.