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THEODOR W. ADORNO
Prismes
Critique de la culture et de la société

Jadis la sphère esthétique s'était dégagée en tant que sphère autonome de l'interdit magique qui séparait le sacré du quotidien et ordonnait de préserver la pureté du sacré; aujourd'hui, le successeur de la magie, l'art, paie le prix de cette sécularisation. L'art n'est maintenu en vie qu'à condition de renoncer au droit à la différence et de se subordonner à la toute-puissance du profane, porteur finalement de l'interdit. Rien ne doit être qui ne soit semblable à ce qui est. Le jazz est la fausse liquidation de l'art : au lieu de se réaliser, l'utopie disparaît de l'image.


GIORGIO AGAMBEN

La page Giogio Agamben sur lieux-dits


PHILIPPE AIGRAIN
cause commune

"On considère le plus souvent qu’il y a liberté de l’information si pour tout courant de pensée il existe au moins un média susceptible de le relayer, et si tout citoyen a, s’il le souhaite, la possibilité d’accéder à ce média. L’ennemi de la liberté de l’information est alors la censure.
Les médias centralisés d’aujourd’hui posent pourtant un tout autre problème. Les groupes qui y détiennent les plus fortes positions ne contrôlent souvent que quelques dizaines de pourcents de l’audience de la télévision, de la radio et de la presse. Pourtant, ces groupes parviennent à exercer sur les représentations un contrôle sans précédent, même dans des sociétés beaucoup plus fermées."

 


MICHELLE ALEXANDER
la couleur de la justice
incarceration de masse et nouvelle ségrégation raciale aux Etats-Unis

traduction de l’anglais (Etats-Unis) de Anika Scherrer

"Il y a plus d’adultes africains-américains sous main de justice aujourd’hui – en prison, en mise à l’épreuve ou en liberté conditionnelle – qu’il n’y en avait réduits en esclavage en 1850. L’incarcération en masse des personnes de couleur est, pour une grande part, la raison pour laquelle un enfant noir qui naît aujourd’hui a moins de chances d’être élevé par ses deux parents qu’un enfant noir né à l’époque de l’esclavage. "

 "Aujourd’hui, les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé du monde, surpassant de loin celui de presque tous les pays développés et surpassant même ceux de régimes répressifs comme la Russie, la Chine ou l’Iran. En Allemagne, on compte 93 détenus pour 100 000 habitants, adultes et mineurs confondus. Aux États-Unis, le taux est environ huit fois plus élevé, avec 750 détenus pour 100 000 habitants."

 


 "Le trait le plus frappant de cette incarcération de masse est sa dimension raciale. Aucun autre pays dans le monde n’emprisonne autant ses minorités raciales ou ethniques. Les États-Unis incarcèrent un plus grand pourcentage de sa population noire que l’Afrique du Sud au plus fort de l’apartheid."

 "Ce système, que l’on appellera ici l’incarcération de masse, n’enferme pas uniquement des personnes derrière les barreaux de véritables prisons, mais également derrière des barreaux et des murs virtuels. Le terme d’incarcération de masse ne renvoie pas uniquement au système judiciaire mais également au réseau plus large de lois, de règlements, de politiques et de coutumes qui contrôle ceux qui sont étiquetés criminels, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des prisons. Une fois libérés, les ex-détenus pénètrent dans un monde occulte de discrimination légale et d’exclusion sociale permanente. Ils sont membres de la nouvelle sous-caste de l’Amérique."

 " Le fait que dans de nombreuses grandes villes américaines, plus de la moitié des jeunes hommes noirs soient actuellement sous le contrôle du système judiciaire ou traînent un casier judiciaire, n’est pas, comme beaucoup l’avancent, un simple symptôme de la pauvreté ou de mauvais choix, mais plutôt la preuve qu’un nouveau système de castes raciales est à l’œuvre. "

 " En moins de deux décennies, la population carcérale a quadruplé et un nombre très élevé de gens de couleur pauvres des quartiers urbains, dans tous les États-Unis, ont été placés sous le contrôle du système judiciaire et ont écopé d’un casier judiciaire pour la vie. Quasiment du jour au lendemain, d’énormes segments de la population des ghettos ont été relégués de façon permanente à un statut de seconde classe, privés du droit de vote et soumis à une surveillance perpétuelle et au contrôle des services de police. "

 "Cependant, l’inconfortable vérité, c’est qu’il existera toujours des différences raciales parmi nous. Même si l’héritage de l’esclavage, de Jim Crow et de l’incarcération de masse était complètement dépassé, nous resterions une nation d’immigrants, et de peuples indigènes, au sein d’un monde plus vaste, divisé par la race et l’ethnicité. C’est un monde dans lequel il y a une extraordinaire inégalité raciale et ethnique, et notre nation a des contours poreux. Pour ce qui est de l’avenir prévisible, l’inégalité raciale et ethnique restera une caractéristique de la vie américaine."

"C’est là qu’interviennent les exceptions noires. Le succès très visible de certaines personnes noires joue un rôle clé dans le maintien du système de castes raciales. Les « success stories » noires accréditent l’idée que n’importe qui, peu importe que l’on soit très pauvre ou très noir, peut arriver au sommet, du moment que l’on fait suffisamment d’efforts. Ces histoires « démontrent » que la race n’est plus pertinente. Alors que les « success stories » sapaient la logique de Jim Crow, elles renforcent au contraire le système de l’incarcération de masse. La légitimité de l’incarcération de masse dépend de l’idée largement répandue selon laquelle tous ceux qui semblent piégés au bas de l’échelle sociale ont choisi leur destin. "


ERIC ALLIEZ

ERIC ALLIEZ
avec la collaboration de Jean-Clet Martin
L'oeil-cerveau
nouvelles histoires de la peinture moderne

Ce livre a pour ambition de mettre au jour la pensée à l'œuvre dans la peinture moderne en replaçant au cœur de la recherche la notion d' hallucination, notion centrale s'il en est pour le XIXème siècle qui associe la création artistique aux études « psychophysiologiques ».
Au plus près des œuvres et des énoncés constituant aussi bien la peinture moderne que l'idée moderne de l'art, entre Delacroix et Cézanne, avec Manet, Seurat et Gauguin, on suivra les mutations auxquelles donne lieu le rapport entre l'Œil et le Cerveau avec la dénaturalisation et la cérébralisation de l'Œil engagé dans « l'hallucination vraie» du monde en son devenir-moderne .Porteur d'un nouveau régime de visibilité qui désoriente le système général des évidences sensibles et de leurs inscriptions discursives, l'Œil-Cerveau projette dans la puissance hallucinatoire de la peinture les conditions de réalité d'une modernité irréductible aux notions philosophiquement communes de sujet et d'objet.
En ce mouvement de transformation du régime esthétique de l'art vers une esthétique de l'hétérogénéité, les questions liées à la couleur ont constitué - depuis la Théorie des couleurs goethéenne, à l'exposé de laquelle est consacré le premier chapitre - un horizon permanent d'interrogation. Mais loin d'être le mobile du culte de la «peinture pure », la couleur est avant tout la matière et l'enjeu de dispositifs à la fois sensibles et discursifs synonymes d'une problématisation extrême, toujours singulière, de la Forme-Peinture ( et de ses formes publiques d'exposition). La révolution esthétique en acquiert une portée politique autant que philosophique qui se mesure, dans la destruction continuée d'un système de la représentation, à la déconstruction toujours reprise de la notion même d'Image,


« Si l'on considère un lieu quelconque de l'univers, explique ainsi Bergson, on peut dire que l'action de la matière entière y passe sans résistance et sans déperdition, et que la photographie du tout y est translucide : il manque, derrière la plaque, un écran noir sur lequel se détacherait l'image ». C'est cette fonction, semble-t-il, que Cézanne attribue au cerveau de l'artiste. Informé par cette optique qui « apprend à voir », le tableau se projette comme cette plaque sensible qui recoupe l'ensemble de l'univers pour fixer sur sa membrane hallucinée l'image flottante entre tous les grains de matière incandescente; il investit les couleurs comme le ferait des émulsifiants sensibles capables de capter les indices de l'univers qui se réfléchissent sur le miroir de chaque atome ainsi cérébralisé. Ce procès, Rilke avait pu en entrevoir les points de recouvrement, la répétition en profondeur qui fait que chacun d'eux implique une action vibratoire de toutes les parties de la matière, projette une image du monde sans la stabiliser comme « image » puisque le procès ne libére ainsi qu'une vue virtuellement présente dans la moindre particule où ne cessent de se croiser les lignes de forces indéfinies qui la constituent en tant que centre de forces rayonnantes. La matière se « révèle » mémoire, mémoire de l'univers déposant dans chaque particule une trace indicielle, une manière d'hologramme qui répèterait la déformation de sa force totale en chacun de ses points (cela-même que la geste topologique de Cézanne cherche à répéter pour et dans le tableau).


ERIC ALLIEZ
Deleuze philosophie virtuelle

Gilles Deleuze
Ou
Le HORS-SUJET de la philosophie
Et
Le PLAN OUVERT de la pensée
Une philosophie virtuelle
Pour tous et quelques uns


A ce niveau déjà ce qu’il y aurait de « nouveau » chez Deleuze, c’est que la radicalité spéculative de son ontologie détermine sur cette ligne sans contour (ou ligne de fuite) la possibilité d’un matérialisme philosophique enfin révolutionnaire. Un idéal-matérialisme de l’évènement pur, indéfiniment multiple et singulièrement universel, selon les mots de Foucault qui s’appliquent parfaitement à ces philosophies mises-en-devenir par Deleuze ? Pensée-Evènement ou, par Nietzsche et Bergson enfin réunis, « création » de pensée procédant par virtualisation. Et tout indique que l’on pourrait qualifier de cette façon le mouvement de « désubstantiation » et de « problématisation » de l’histoire de la philosophie opéré par Deleuze sous le nom de déterritorialisation si virtualiser, ainsi que le montre Pierre Lévy, consiste avant tout à transformer « l’actualité initiale en cas particulier d’une problématique plus générale, sur laquelle est placé désormais l’accent ontologique. Ce faisant, la virtualisation fluidifie les distinctions instituées, augmente les degrés de liberté, creuse un vide moteur » ...


ERIC ALLIEZ
Gilles Deleuze. Une vie philosophique

"Eviter la double ignominie du savant et du familier. Rapporter à un auteur un peu de cette joie, de cette force, de cette vie amoureuse et politique, qu'il a su donner, inventer..." La célèbre phrase de Deleuze définissant le double réquisit exigé pour écrire sur un auteur peut servir d'exergue à cet ouvrage collectif issu des Rencontres Internationales Gilles Deleuze (Rio de janeiro - Sao Paulo, 10-14 juin 1996)

JEAN-CLAUDE AMEISEN
Sur les épaules de Darwin

Spinoza: "Le corps et l'esprit sont une même chose, vue sous deux angles différents."

 


JEAN-CLAUDE AMEISEN
La sculpture du vivant

L'opposition entre la vie et la mort est pour nous si "naturelIe", et pour les biologistes si évidente, qu'il aura fallu des siècles pour la remettre en question. L'idée que la mort de nos cellules puisse être programmée par l'organisme lui-même, et non résulter d'agressions externes, ne s'est imposée que très récemment. .. Mais elle a tout changé dans nos conceptions de l'apparition de la vie, du développement, des maladies et du vieillissement. Comprendre qu'un embryon est autant dû à une prolifération qu'à une destruction massive de cellules, ou qu'un cancer puisse être causé par l'arrêt des processus de suicide cellulaire, c'est voir le vivant sous un jour nouveau.

JEAN-LOUP AMSELLE
Les nouveaux Rouges-bruns

"Dès lors, plutôt que de considérer que les classes populaires ont disparu et leur conscience de classe avec, il serait préférable de chercher à identifier ces nouveaux marqueurs de la conscience de classe du peuple, toutes origines confondues, que sont les conversions à l'islam ou la pratique de la « quenelle ». Même si cela sonne désagréablement aux oreilles de certains, il faut se faire à l'idée que ce n'est plus le marxisme qui constitue l'idéologie de classe du prolétariat, mais bel et bien une religion et une posture corporelle, ce qui par ailleurs n'est pas sans interroger quant aux facultés émancipatrices supposées, et pour certaines d'entre elles assurément aliénantes, de ces nouvelles revendications identitaires»

 


JEAN-LOUP AMSELLE
L'occident décroché
Enquête sur les postocolonialismes

"Ce qui émerge de cette exposition* et de son catalogue, c'est l'idée que l'eurocentrisme et ses corollaires, l'orientalisme et l'extranéisation (othering) occidentale de l'autre, ont toujours prévalu sur la vision de l'Occident en tant qu'autre. Or les commissaires de cette exposition estiment au contraire qu'une immigration accrue nécessite la révision de l'idée d'une culture ou d'une civilisation européennes «pures». Pour eux, l'Europe est une entité mêlée, métissée et l'a toujours été tandis que ses frontières, les limites entre l'Europe et la « non-Europe » ont toujours été floues et poreuses. Cette manifestation artistique et intellectuelle conteste ainsi la prétention de l'Europe à l'uni-versalisme, sa volonté d'essentialiser l'avènement de la démocratie et des droits de l'homme en en faisant un récit mythique et sans tenir compte, en contrepartie, de la violence subie par les peuples colonisés. Dans le même temps où la démocratie européenne fleurissait sur le fumier de l'esclavage et de l'exploitation coloniale, nous disent Salah Hassan et Iftikhar Dadi, son historiographie caractérisait les cultures non européennes par un manque («primitives», «sans histoire », « sans écriture ») et les rejetait dans le passé. Il conviendrait donc de tordre le bâton dans l'autre sens et de «déconstruire l'Europe», de lui faire ravaler sa superbe et d'en faire une aire culturelle comme une autre."

*exposition ayant pour titre Unpacking Europe, à Rotterdam en 2001.

 

GÜNTHER ANDERS

FLORENT BUSSY
Günther Anders et nos catastrophes

" Anders nous fait comprendre qu’il ne saurait y avoir de salut dans l’obsolescence déclarée de l’humanité de l’homme au profit de la tutelle scientifique et technique exercée sur la vie. Et qu’il convient de préserver ce qui est au cœur de notre humanité, ce qui fait de nous des êtres complets et non des êtres robotisés : la vie émotionnelle, la responsabilité, l’autonomie de la pensée et de l’action. "

"Qu’on détruise la vie ou qu’on détruise l’humanité, il s’agit bien de catastrophes totales. L’histoire ne peut plus être la même après de tels événements, et la hantise collective devrait être qu’ils se prolongent : « L’assombrissement dans lequel nous plongeons par ce retour en arrière n’a de valeur que si nous savons l’exploiter et le muer en autre chose. Nous devons le muer [...] en la résolution de lutter contre ses possibles répétitions.» ( Nous, fils d'Eichmann. Günther Anders) . Nous devons pour cela savoir ce qui a conduit à ces catastrophes (« nous mettre en quête des présupposés de ce qui s’est produit une fois, donc repérer sans ambiguïté ce qu’il nous faut vraiment combattre »), afin de nous opposer à leur répétition. Si l’on rapporte ces catastrophes uniquement à la domination des idéologies (totalitaire dans le cas du nazisme, opposition des blocs pour les bombes atomiques), dont on serait sorti depuis la fin du communisme soviétique, on ignore que leur possibilité est inscrite au cœur même de notre modernité technique, un système qui « est devenu notre destin à tous » et qui rend « possible et même vraisemblable la répétition du monstrueux ».


GUNTHER ANDERS
L'Obsolescence de l'homme (1956)

Traduction de l'allemand de Christophe David

"Ne pas manquer un seul jour de sauter sur la moindre occasion d’ouvrir les yeux à nos voisins et de leur faire saisir qu’en soutenant les mouvements politiques qui interviennent en faveur de la production de moyens d’anéantissement ou simplement de la puissance atomique multilatérale, ils augmentent le danger et se rendent eux-mêmes dès à présent coupables, puisque le soutien à ces groupes est déjà une « collaboration » aux engins d’anéantissement."

"Nous ne sommes plus des « agents » mais seulement des collaborateurs. La finalité de notre activité a été démantelée : c'est pourquoi nous vivons sans avenir, sans comprendre que l'avenir disparaît, et donc « aveugles à l'apocalypse ».
Tout le monde sait que notre façon d'agir et donc de travailler a aujourd'hui fondamentalement changé. À l'exception de quelques survivances dépourvues de signification, le travail est devenu une « collaboration » organisée et imposée par l'entreprise. J'insiste bien sur le fait que cette contrainte est imposée par « l'entreprise », car si le travail solitaire n'a certes jamais constitué l'essentiel du travail humain, ce dont il s'agit désormais n'est justement plus de travailler avec les autres, mais d'être au service de l'entreprise (à laquelle celui qui travaille doit allégeance alors qu'il ne peut même pas, lui, se la représenter dans sa totalité), entreprise dont les autres employés ne sont eux-mêmes que des rouages."


"L'« instrumentalisation » règne partout : dans les pays qui imposent le conformisme par la violence, et aussi dans ceux qui l'obtiennent en douceur. Comme c'est bien sûr dans les pays totalitaires que ce phénomène est le plus clair, je prendrai, pour illustrer ce qu'est l'« instrumentalisation », l'exemple d'un comportement typiquement totalitaire.
Au cours des procès où l'on a jugé les « crimes contre l'humanité », on a très souvent constaté que les accusés étaient vexés, consternés, voire indignés qu'on leur demande « personnellement » des comptes pour les mauvais traitements infligés à ceux qu'ils avaient effectivement maltraités et pour les meurtres de ceux qu'ils avalent effectivement tués. Il serait absolument erroné de ne voir dans ces accusés que des cas de déshumanisation et d'entêtement extrêmes. Ce n'est pas « bien qu'ils aient collaboré », mais le plus souvent « parce qu'ils ont seulement collaboré » qu'ils se sont révélés incapables de repentir, de honte, ou même de la moindre réaction morale. C'est parfois précisément « parce qu'ils avaient collaboré », autrement dit parce que pour eux, « être moral », c'était nécessairement se conduire d'une façon complètement « instrumentalisée », qu'ils avaient bonne conscience (d'avoir personnellement « collaboré »). "

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. "


EDOUARD JOLLY
GÜNTHER ANDERS, Une politique de la technique

" Les trois thèses majeures : que nous ne sommes pas à la hauteur de la perfection de nos produits ; que nous pouvons davantage produire que représenter et en assumer la responsabilité ; et que nous croyons que ce que nous pouvons faire, nous y sommes aussi autorisés, non : nous devons le faire, non : nous y sommes contraints – ces trois thèses fondamentales, du fait des dangers environnementaux devenus manifestes en ce dernier quart de siècle, sont malheureusement plus actuelles et explosives qu’autrefois ." (G.Anders, 1956)

"Parce qu’aujourd’hui, qui produit n’est pas le point essentiel ; ni comment la production se déroule ; ni à peine combien est produit ; mais – et en cela nous en sommes à la seconde différence fondamentale entre le danger d’alors et celui d’aujourd’hui – ce qui est produit ." (G.Anders)

"La tâche de la science d’aujourd’hui ne consiste plus à détecter l’essence cachée, donc voilée, ou la légalité voilée du monde ou des choses, mais à découvrir leur utilisabilité cachée. La présupposition métaphysique (elle-même habituellement voilée) de la recherche d’aujourd’hui est donc qu’il n’y a rien qui ne soit pas exploitable." (G.Anders)


"Devenu le produit obsolète de ses propres produits, essayant de rattraper les nouveaux qui liquident les anciens, soumis lui-même à l’obsolescence programmée imposée par les règles de la production qui ne cherche qu’à se perpétuer, l’homme finirait idéalement par être produit en série, conforme, remplaçable, indiscernable des autres exemplaires de son espèce. "

"Afin d’être immunisé contre le néant, chaque organe doit être “occupé-par”. Et “être-occupé-par” est, en tant que description de cet état, bien plus pertinent qu’“être-occupé-à” Le divertissement permanent rend la survie supportable. Il empêche que l’ennui ne s’installe "(G.Anders)

"Étaient et sont des “hommes sans monde” ceux qui sont contraints de vivre à l’intérieur d’un monde qui n’est pas le leur ; d’un monde qui, bien qu’ils le produisent et le maintiennent en marche par leur travail quotidien, “n’est pas construit pour eux” (Morgenstern), n’est pas présent pour eux ; à l’intérieur d’un monde pour lequel ils sont pensés, utilisés et “présents”, mais dont les standards, les intentions, le langage et le goût ne sont pas les leurs, ne leur sont pas accordés." (G.Anders)

"La question n’est plus comment distribuer équitablement les fruits du travail, mais comment rendre supportables les conséquences de l’absence de travail ."(G.Anders)

 "Parce que le chômage qui prédomine désormais fera apparaître inoffensif celui qui a régné il y a cinquante ans. Si l’on pense que ce dernier avait été une des causes principales du nazisme, alors le courage vient à manquer pour se représenter ce à quoi va donner naissance celui d’aujourd’hui. Il n’est absolument pas impossible que les fours d’Auschwitz (autrefois économiquement contradictoires) servent de modèles pour “maîtriser” le fait que, comparativement aux occasions de travail, “il y a trop de gens” . L’idée est outrancière par sa radicalité."(G.Anders)


 

GÜNTHER ANDERS, Christophe David
et si je suis désespéré que voulez-vous que j'y fasse?

" j'ai essayé par contre de capter l'attention de ceux dont l'action et la négligence décident du sort de l'humanité, mais qui ne savent pas, ne veulent pas savoir, ne doivent pas savoir ce qu'ils font. Avant tout donc, l'attention des physiciens et celle des hommes politiques que dirigent les technocrates."

"Le courage ? Je ne sais rien du courage. Il est à peine nécessaire à mon action. La consolation ? Je n'en ai pas encore eu besoin. L'espoir ? Je ne peux vous répondre qu'une chose : par principe, connais pas. Mon principe est : s'il existe la moindre chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir contribuer à quelque chose en intervenant dans cette situation épouvantable, dans laquelle nous nous sommes mis, alors il faut le faire. Mes Gebote des Atomzeitalters [Commandements du siècle de l'atome], que vous venez d'évoquer, se terminent par le principe qui est le mien : et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'y fasse ? "

LIBERO ANDREOTTI
Le grand jeu à venir
Textes situationnistes sur la ville

Préface Jean-Paul Dollé

Pour les situationnistes, la vraie construction est celle des barricades; et l'état d'urbanité maximum, celui de la ville en fête et insurgée.

Debord redouble sa critique quand il dévoile la mission politique stratégique impartie à l'urbanisme. «L'urbanisme est l'accomplissement moderne de la tâche ininterrompue qui sauvegarde le pouvoir de classe: le maintient de l'atomisation des travailleurs que les conditions urbaines de production avaient dangereusement rassemblés. La lutte constante qui a dû être menée contre tous les aspects de cette possibilité de rencontre trouve dans l'urbanisme son champ privilégié. L'effort de tous les pouvoirs établis, depuis les espérances de la Révolution française, pour accroître les moyens de maintenir l'ordre dans la rue, culmine finalement dans la suppression de la rue.»
C'était donc cela! La multiplication de grands ensembles, les envolées de Le Corbusier sur le droit à l'air, à la lumière et aux volumes, la destruction des îlots insalubres, l'aménagement rationnel du territoire, les villes nouvelles. Tout simplement une nouvelle technique de contrôle ! JP Dollé

 

HANNAH ARENDT

HANNAH ARENDT
Du mensonge à la violence (1969)

"La violence recherche toujours une justification, et une escalade de la violence dans la rue pourrait fort bien susciter l'appartion d'une véritable idéologie raciste qui se chargerait de la justifier."

"Dans un régime totalement bureaucratisé, on ne trouve plus personne avec qui il soit possible de discuter, à qui
on puisse soumettre des revendications, ou sur qui la pression du pouvoir puisse avoir prise. La bureaucratie est une
forme de gouvernement où chacun est entièrement privé de la liberté politique et du pouvoird’agir. Ce n’est plus
en effet être gouverné que d’être gouverné par l’Anonyme, et quand tous se trouvent également privés de pouvoir,
nous sommes devant une tyrannie sans tyran."


"La transformation du système politique en administration, ou des républiques en bureaucraties, et la désastreuse réduction du champ de l’action publique dont elle s’accompagne, se sont poursuivies tout au long des temps modernes par un développement incessant et complexe : au cours des
cent dernières années, le processus s’est fortement accéléré avec l’avènement de la bureaucratie des partis. (Voici soixante-dix ans, Pareto reconnaissait déjà que "la liberté, par quoi j’entends le pouvoir d’agir, se réduit chaque jour, excepté pour les criminels, dans les pays prétendument
libres et démocratiques".) C’est la possibilité d’action qui fait de l’homme un être politique ; elle lui permet d’entrer en contact avec ses semblables, d’agir de concert, de poursuivre des buts et de former des entreprises auxquels il n’aurait ni pensé, ni même aspiré, s’il ne possédait effectivement ce don de partir à la découverte de nouveaux horizons."


HANNAH ARENDT
Condition de l'homme moderne (1958)

"Ce qui rend la société de masse si difficile à supporter, ce n'est pas, principalement du moins, le nombre de gens; c'est que le monde qui est entre eux n'a plus le pouvoir de les rassembler, de les relier, ni de les séparer."

"Dans la musique et la poésie, les arts les moins « matérialistes » puisqu'ils ont pour « matériaux » les sons et les mots, la réification et l’ouvrage qu’elle exige sont réduits au minimum. Le jeune poète, le jeune musicien prodige peuvent atteindre une certaine perfection sans expérience et presque sans apprentissage - phénomène que l'on ne trouve guère en peinture, en sculpture ou en architecture.
La poésie, qui a pour matériau le langage, est sans doute de tous les arts le plus humain, le moins du-monde, celui dans lequel le produit final demeure le plus proche de la pensée qui l’a inspiré. La durabilité d’un poème est produite par condensation, comme si le langage parlé dans sa plus grande densité, concentré à l'extrême, était poétique en soi. Ici la mémoire, mnemosynè, mère des muses, se change immédiatement en souvenir : pour réaliser cette transformation le poète emploie le rythme, au moyen duquel le poème se fixe presque de lui-même dans le souvenir. C’est cette proxi-
mité du souvenir vivant qui permet au poème de demeurer, de conserver sa durabilité en dehors de la page écrite ou imprimée, et bien que la « qualité » soit soumise à une grande variété de normes, le poème inévitablement doit être « mémorable » afin d’étre durable, afin d’avoir une chance d’être fixé de façon permanente dans le souvenir de l’humanité. De tous les objets de pensée la poésie est le plus proche de la pensée, et le poème est moins objet que toute autre œuvre d’art."

"Si l'on compare le monde moderne avec celui du passé, la perte d'expérience humaine que comporte cette évolution est extrêmement frappante."


"Dans les conditions de la vie humaine il n'y a d'alternative qu'entre puissance et violence - contre la puissance la force est inutile - violence qu'un homme seul peut exercer sur ses semblables, et dont un homme seul ou quelques hommes peuvent acquérir les moyens et posséder le monopole."

"C'est la puissance qui assure l'existence du domaine public, de l'espace potentiel entre les hommes agissant et parlant.
La puissance jaillit parmi les hommes lorsqu'ils agissent ensemble et retombe dès qu'ils se dispersent. Le seul facteur indispensable à l'origine de la puissance est le rassemblement des hommes."

"La force est la "qualité naturelle" d'un homme seul et on peut toujours craindre qu'au moyen d'une forme pervertie "d'action commune" - poussées, pressions, manoeuvres de cliques - ne soient mis au premier rang les ignorants et les incapables."

"Mais si la force et la violence peuvent détruire la puissance, elles ne sauraient la remplacer. De là résulte la combinaison politique, nullement exceptionnelle, de la violence et de l'impuissance, armée d'énergies impotentes qui se dépensent d'une manière souvent spectaculaire et véhémente...et souvent futile. Cette combinaison, même si on ne la reconnaît pas pour ce qu'elle est, reçoit le nom de tyrannie."

C'est Montesquieu qui a compris que "la grande caractéristique de la tyrannie est de dépendre de l'isolement - le tyran est isolé de ses sujets, les sujets sont isolés les uns des autres par la peur et la suspicion mutuelles ( l'impuissance des sujets qui ont perdu leur faculté humaine d'agir et parler ensemble n'étant pas caractérisée par la faiblesse et la stérilité....)- et qu'ainsi la tyrannie n'est pas une forme de gouvernement parmi d'autres : elle contredit la condition humaine essentielle de pluralité, dialogue et communauté d'action, qui est la condition de toutes les formes d'organisation politique. "

ANTHONY B. ATKINSON
Inégalités

Raisons d'être optimiste

"J'ai écrit ce livre dans un esprit positif. J'ai souligné l'importance d'étudier le passé, mais je ne crois pas que nous soyons revenus dans le monde où vivait la reine Victoria. Les citoyens des pays de l'OCDE jouissent aujourd'hui d'un niveau de vie bien supérieur à celui de leurs arrière-grands-parents. La société moins inégalitaire qui s'est créée à l'époque de la Seconde Guerre mondiale et pendant les premières décennies d'après guerre n'a pas été totalement anéantie. Au niveau mondial, la grande divergence entre les pays creusée par la révolution industrielle est en voie de s'effacer. Il est vrai que depuis 1980 nous avons assisté à un «tournant vers l'inégalité» et que le XXIe siècle est porteur de nombreux défis : le vieillissement de la population, le changement climatique, les déséquilibres mondiaux. Mais les solutions à ces problèmes dépendent de nous. Si nous sommes prêts à utiliser la grande richesse dont nous disposons aujourd'hui pour nous attaquer à ces défis, et à reconnaître que le partage des ressources doit être moins inégalitaire, il y a de vraies raisons d'être optimiste."

 

PIERA CASTORIADIS-AULAGNIER

PIERA AULAGNIER
Un interprète en quête de sens

Si nous en restions à la formulation manifeste de leur demande «changer la réalité », nous ne pourrions que leur répondre que c'est en dehors de nos possibilités et la refuser. Mais si nous pouvons entendre la motivation latente de leur appel, nous pouvons y répondre et leur proposer un pacte thérapeutique qui va effectivement changer radicalement les exigences de ce premier cosignataire auquel l'analyste commence par se substituer.

Nouveau cosignataire qui n'a pas d'exigences à imposer mais qui espère réussir, en fin de parcours, à redonner à son partenaire la possibilité de signer en son seul nom son compromis identificatoire. Compromis singulier, qui gardera les traces de la singularité du temps vécu par l'infans et par l'enfant, qui ne mettra pas le sujet à l'abri des conflits, des épreuves, que le futur pourra lui imposer, mais qui lui permettra de trouver des réponses, des défenses, qui éviteront au je d'être confronté à sa défaite.

 


PIERA AULAGNIER
La violence de l'interprétation

"Vivre, c'est expérimenter de manière continue ce qui résulte d'une situation de rencontre."

"Psyché et monde se rencontrent et naissent l'un avec l'autre et l'un par l'autre, ils sont le résultat d'un état de rencontre que nous avons dit être coextensif de l'état existant."


PAUL AUDI

PAUL AUDI
jubilations

 

Je nomme explication avec la vie la façon que nous avons de vivre avec une plus grande intensité notre lien à la vie qui est la nôtre, cette façon qui repose sur un certain « travail sur soi ». Et c'est cette explication avec la vie, avec le fait de vivre, qui définit le mieux l'éthique, à condition toutefois qu'on la distingue avec netteté de la morale. Cela dit, toute explication avec la vie demande du philosophe qu'il en dégage les conditions de possibilité; or ces conditions ont trait en général à deux nécessités essentielles : la nécessité, enracinée dans l'amour de soi, de combattre le désespoir tapi au fond de soi, et la nécessité de posséder une fermeté de caractère à même de mener à bien ce combat et d'assurer, ce faisant, l'adoption d'un style de vie - je devrais même dire: d'un certain art de vivre - dont l'enjeu consiste non pas à atteindre le bonheur, mais à conquérir la disposition intérieure qui permettrait de le goûter si, par bonheur (c'est bien le cas de le dire), on venait à le rencontrer. Cette disposition, condition de toute jouissance réelle,. telle est la réjouissance.


Pour autant, j'ai été loin de connaître le paradis en arrivant en France : le Français que non seulement j'entendais être mais que je croyais être fantasmatiquement depuis toujours a rencontré, dans les premières années de son installation à Paris, une forme d'ostracisme extrêmement violent qui, par tant d'aspects, l'a «contraint à l'irréconciliation ». Et c'est bien pour me rendre supportable cette mise à l'écart que je me suis alors mis à cultiver cet écart pour lui-même, à le revendiquer comme tel. À faire oeuvre de la distance.
Distance par rapport au temps d'abord. Soupçon de ce qui se trouve frappé du sceau du « contemporain ». C'est ainsi qu'il m'apparaît aujourd'hui qu'au départ l'appel de la chouette de Minerve dans lequel je croyais alors avoir entendu mon nom a bien dû se soutenir de cela - de cette volonté de donner à la mise à l'écart, à l'isolement, au « secret», un sens, un contenu rigoureusement positif, ne serait-ce que parce que le discours philosophique se doit par principe d'être et de demeurer en toute circonstance quelque chose d'intempestif, d'inactuel, qui n'obtient sa légitimité qu'à se tenir à distance de « l'universel reportage », comme disait Mallarmé, en tout cas un discours qui ne s'intéresse aux « désastres du quotidien» que pour autant qu'il procède à leur mise en perspective, à leur interprétation questionnate, passablement déconstructrice.


PAUL AUDI
Créer

"Or, dans toutes ses manifestations, la vie produit pour elle-même, en fonction de son mouvement intime, qui est à la fois charnel et pulsatile, une certaine augmentation ou diminution de puissance ; de même qu'elle semble, dans toutes ses manifestations, à la poursuite d'un surcroît de jouissance ou d'une réduction de souffrance. C'est que les expressions du "vivre" sont par nature affectives, et leurs qualités, intensives; Telle est l'essence de la vie, telle est son apparence, qu'elle se présente comme un régime dynamique d'affects et une économie pathétique de forces, qui témoignent à tout instant d'un enrichissement ou d'un appauvrissement de soi, de quelque chose de noble ou de vil, d'un contenu actif ou réactif, etc. La vie n'"est" rien d'autre, à chaque fois, que cette épreuve, intensivement différenciée, de soi-même."

 

"La philosophie, ne s'accomplit qu'au sein d'un corps à corps avec cela même qui, en nous-mêmes, nous dépasse. Or, ce qui nous dépasse n'est pas le monde, ce n'est pas ce qui relève d'un "dehors", c'est ce qui nous situe, sans forcément que nous le voulions, mais toujours solitairement, sur ce que j'appelle le plan de la vie, qui ne recouvre ni le champ social ni l'espace politique."

MARC AUGÉ

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KOSTAS AXELOS

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