ROGER LAHU
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"Le noir est la seule couleur intérieure et le seul savoir est d'en faire une porte." Bernard Noël

 

page 76

ah le noir ah que  oui qu’est que ah oui le noir
facile
« possible »
                                        à dire
le noir enclos dans le mot « noir »
et rien à re-dire
pas de nuances
de camaieusités norcissantes

« c’est » noir
« il fait » noir
et ya  basta

« noir c’est noir » (Johny H)

 

page 75

le contraire de « noir »
n’est pas « blanc »

dans le noir il y a du blanc
du blanc si impeccablement  blanc
que ça lui fout le noir
au noir  il le broie

et il braie
comme un zèbre


page 74

dans le noir     l’envol
des hirondelles en automne

juste une vibration d’air

les hirondelles vont passer
leurs hivers  en Afrique
le « continent  noir »


page 73

dans le noir
dans les bayous du noir
(du choctaw bayouk signifiant « serpent », « sinuosité »)

se glissent les serpents noirs
de toutes les incertitudes

sans aucun « panneau de signalisation »

petit je regardais fasciné
« Aigle Noir » à la télévision
mais ce n’était pas un indien « Choctaw »

ça n’est pas grave


page 72

Est-ce qu’ « au milieu du noir »
coule une rivière ?
et peut-on y attraper
des blackfishes
comme Dave Robicheaux
dans les bayous de James Lee Burke ?



page 71

(précision inessentielle : « 71 : département de la Sâone&Loire)

quand j’étais petit  mon pépé préféré à moi il était déjà proche d’un certain noir
qu’on appelle « la mort » mais je ne le savais pas et c’était « très bien
comme ça » il était très très vivant dans la couleur des jours d’alors (pourquoi je revois
ces jours toujours                      « d’été »)

mon pépé préféré à moi il avait les   bouts de  certains  doigts tout jaunes (mais pas un beau jaune un jaune assez noirci quand même)

mon pépé préféré à moi il capturait les guêpes (au corps noir et jaune) (l’abdomen je crois ?)
sous son verre (dessus la vieille table) et soufflant ensuite précautionneusement
la fumée de ses roulées de « tabac gris » par-dessous le dit verre renversé

les guêpes (en noir et jaune) clamsaient

« pépé fais gaffe elles vont t’piquer »

Pépé riait 


page 70

NOIR
en vraie réalité
c’est « façon de dire »

parce que GRIS
ça « le fait » moins bien

c’est « façon »
de retoucher
« les choses »
( de la vie ? d’une vie ?)

en poussant au max le curseur
« contraste »

 


page 69

ce matin – printanier pourtant si l’on en croit le calendrier –  belle petite gelée « blanche »

que serait une gelée « noire » ?

une « pluie noire » on sait :

Pluie noire commence à Hiroshima le 6 août 1945. Il fait très chaud. Les gens partent au travail. Soudain, un éclair, le fameux « éclair blanc », déchire le ciel. Sa lueur aveuglante s'accompagne d'un souffle terrible et l'enfer se déchaîne. Des fantômes déguenillés et mutilés errent dans les amas de gravats et de madriers. 
http://www.dailymotion.com/video/x48b6s_pluie-noire-vo-stf_shortfilms


page 68

vous avez peur du noir ?
essayez donc le gris
« pour voir » !

 


page 67

 

et si le noir
venait à manquer
avec quoi le noircirait-on ?


page 66

un homme
un homme vêtu de noir
il marche dans le blanc
il est perdu dans tout ce blanc
cet homme tout en noir
il est perdu mais il avance
dans le blanc

la nuit va tomber
l’homme tout en noir
il va disparaitre
et ce blanc tout ce blanc
va disparaitre aussi

fondus dans le noir



page 65
tu tends la main devant
ou plutôt tu écripenses ces mots : « tendre » « main » « devant »
tes mains dans le noir tu ne les vois pas
ni devant ce que c’est ce qu’il y a «devant »

devant  dans le noir c’est « tout » noir
forcément sinon ça ne serait pas du vrai noir

et il faudrait de grandes grandes mains
à tendre

pour « toucher »
ce qu’il y a  ou pas    « devant »

loin loin loin
dans le noir

tu tends la main devant
et tu penses  très très fort une immense fourchette
pour diner
avec  les diables

note :   en fait , selon la maxime célèbre , pour diner avec le Diable c’est une cuillère qu’il faut et longue longue  , pas une fourchette
mais  des fourchettes du diable  j’en avais dans mon jardin d’avant d’être
Into The Black

La Fourchette du Diable est également appelée "Géranium Robert" et "Herbe à Robert".
Le plus fréquemment on la nomme
Géranium Robert
Originaire d'Europe, c'est une plante sauvage que l'on rencontre fréquemment dans les haies, les talus, les forêts de conifères et sur les vieux murs.
Ses feuilles vertes et très dentées, qui rougissent en automne, se présentent sur des tiges légèrement poilues et rouges.
Très odorante la fourchette du diable dégage une odeur très forte et âcre encore plus intense lorsqu'on froisse ses feuilles entre les doigts.
Installée près des fenêtres ou de la terrasse elle permet d'éloigner les moustiques qui ne supportent pas son odeur.
Très florifère la fourchette du diable offre une floraison continue du mois d'avril jusqu'aux gelées.
Les fleurs fanées laissent facilement échapper les graines et les semis spontanés sont nombreux. Il convient parfois de la contrôler car elle peut devenir envahissante.
Même si la plante meurt en hiver les semis spontanés suffisent à renouveler les pieds pour l'année suivante. 
Connue depuis longtemps la fourchette du diable est utilisée dans la pharmacopée depuis le 12ème siècle
Autrefois sa souche était utilisée pour le cuir du fait de sa grande quantité de tanin. 


Page 64

pourquoi est ce que je glousse tout le temps

quand je lis  cette « appellation » : roman noir ?

«  le roman noir désigne aujourd'hui un roman policier inscrit dans une réalité sociale précise et porteur d'un discours critique, voire contestataire, et sur cette réalité sociale, porteur d'une vision « noire » du monde. Le roman noir, tout en étant un roman détective, se fixe ses propres frontières en s'opposant au roman d'énigme car le drame se situe dans un univers moins conventionnel, et moins ludique »

je glousse et me gausse .

mais je dois reconnaître qu’un roman «dans » le noir « se fixe aussi ses propres frontières »

tout en sachant que des deux côtés de la ligne de « démarcation »
on n’y voit goutte


le roman « dans le noir » est un  road movie  où la seule « image » est le « ruban »

noir forcément noir de l’asphalte

et il n’y a pas de route

 


Page 63

un  beau jour ……….

ou peut-être était-ce une nuit ?  ……………..

j’appuie sur la touche « rewind » :

« un beau jour ….. 

ou peut-être était-ce une nuit ?»

REWIND ad libitum


Page 62

Parfois il semble que le noir pourrait s’écailler, se fendiller, s’ouvrir , bailler
comme une huitre
et dedans il y aurait une énorme perle
une perle d’un noir si profond si parfait si absolu
qu’on aurait l’impression  qu’elle avait – au terme de quelle alchimie de  dix mille ans ? –
concentré en elle toute la lumière du monde .

ça éblouirait

 


Page 61

 

 

 

dans le noir tu écris en toute impunité
les mots sont sourds muets
une buche d’ombre les gobe comme des petits apéricubles aux olives
noires évidemment
et elle ricane elle ricane elle ricane




Page 60

 

qui a dit que est ce
le même qui a dit que
et fut sévèrement « taclé » pour avoir dit que
alors que non ou peut être pas
non mais pas oui ?

dans le noir
pas fastoche de décider
la part des ombres
et de l’absence de lumière

personne n’a dit que ça serait aussi facile que ça n’en a pas l’air

 

 

 

 



Page 59

 

 

Dans le noir on se  pose de drôles de  questions , cette question  par exemple (entre autres) (on y reviendra ) :
« et si j’étais mort à 8 ans et demi (pas tout à fait) un jeudi après midi d’avril ? qu’est ce que cela m’aurait appris ? est-ce que cela m’aurait « servi de leçon » ? et laquelle ? »
et on commente en ricanant dans le noir (dans « son » noir) :
« si au moins ça t’avait appris à ne pas mettre des « guillemets » et des (parenthèses ) partout ça aurait  été profitable ! »
Et on gamberge on gamberge on gamberge :
« et si la vie – dans son noir ou pas- n’ était qu’une vaste parenthèse ? »
ou
« et si il fallait écrire le mot « la vie » entre guillemets comme une sorte de citation d’une œuvre non écrite mais quand même si un peu parce que sinon on ne pourrait pas en « extraire » des citations » ? »
« ( « « « « « « « « « « « « « « « « « ) »



Page 58

NOIR bitume
ruban d’asphalte d’un Moebius grand nègre souffleur de jazz
je fonce à l’aveugle
on the black road
voyage au bout de nuits sans lune ni étoiles
nuits nues
chiens et chats noirs écrasés sur le bas côtés
même vos os sont invisibles
sucés  jusqu’à la moelle
par le Noir 

il n’y a pas de limitation de vitesse
dans le noir

ni voie de « dégagement »
dans le noir tu engages
toutes tes forces

toutes tes troupes

sans espoir de retraite
ou d’armistice

 

Pages 56, 57

page 56

dans le noir le soir rentre le noir du soir par le noir d’ouest
dans le noir le matin rentre le noir du matin par le noir d’est

page 57

odeur fraiche dans mon noir
je l’ai récuré au savon noir liquide
qui a odeur d’amande
et rincé rincé
l’eau de rinçage était bien noire
j’avais un peu tardé
mon noir sent bon de frais
le noir tout frais savonné noir

 

Page 55

page 55

écrire c’est jeter l’encre (peu importe la couleur , mais noire « la plupart du temps »)

écrivain poulpe ?

Refoulant l'eau de mer par un siphon, la pieuvre se propulse pour échapper à ses poursuivants comme un avion à réaction. Elle prend la fuite en projetant un nuage d'encre sécrétée dans sa « poche au noir ».

écrire « en su tinta » ?

800 g d’écrivain
20 cl de vin blanc
1 tomate mûre
1 oignon
2 gousse d'ail
2 sachets d'encre
1 c. à café de fumet de poisson
Sel, poivre du moulin
Quelques pincées de piment d'Espelette
Huile d'olive

faire chauffer un peu d'huile d'olive et y faire suer l'oignon émincé, l'ail pilé. Ajouter la tomate pelée et concassée, faire compoter quelques 5 min. Ajouter l’écrivain en petits morceaux, saler, poivrer et ajouter le fumet de poisson, mélanger et laisser mijoter 5 min.
Déglacer avec le vin blanc puis incorporer l'encre, faire cuire à feu moyen pendant 15 min.
Ajouter le piment d'Espelette et servir chaud sur un lit de spaghettis ou avec du riz

 

Page 54

page 54

compte perdu

des pages-jours  « dans le noir »

dans le noir on ne compte pas les jours (qu’il ne fait plus) ni les pages (blanches absolument mais si tant noircies en  vagues pensées vaines  que rien ne s’y lit plus)

« dans le noir » n’est qu’une suite de mots , 3 – trois ! ah ah ! comme les quatre mousquetaires ? -  donc une suite de mensonges

écrire est dès la première lettre (ou frappe ) (« petite frappe » ?) un mensonge éhonté

écrire c’est plonger dans le noir

d’encre

se lester du poids des mots

en prétendant   lever l’ancre  hardi les gars tous au cabestan prêts à virer chantez chantez et crevez vous les poumons

et hisser les voiles 

GénoisGrand-voileSpinnakerFocTourmentinGennakerTrinquetteTapeculArtimonSuédoiseBrigantinePerroquetCacatoisHunierClinfocCivadièreCreuxLaizePenon

dans le noir point de tempêtes tempêtueusement tempêtes

quoi ? nul vent ?

juste des petits pets « foireux »

On a envie, comme les Romains, de saluer chaque pet qui sort (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.192)

 

Page 53

page 53

dans le noir on ne peut ni lutter ni fuir
juste faire avec
et on ne sait pas où le soleil se couche
ni même si le soleil n’est pas un leurre
c'est-à-dire un « simple » mot

et « noir » alors ?
un mot ? un leurre ?

je passe ma main droite sur mon crâne rasé
le mot « main » sur le mot « crâne »

mais crâner ne puis j’ai même assez les chocottes

m’en tirer  par de piètres jeux
de  mots : 

 

    • eh ! fais pas ta chocotte !
    • va donc eh ! chocotte BN ! quel parfum ? chocolat ou vanille ?

 

Page 52

page 52

quelques citations qui aident à vivre dans le noir 

« du noir faisons table rase »
« la réponse elle souffle dans le noir »
« ce noir est un autre noir »
« noir j’écris ton nom »
« une poule noire sur un mur noir picorait du grain noir… »
« va dans le noir vole dans le noir et nous venge du noir »
« le noir est l’avenir du noir »
« sympathy for the black »
« mon royaume pour un cheval noir »
«longtemps je me suis couché dans le noir »
«et  puis voici mon noir qui ne bat que pour vous »

 

Page 51

page 51

Ah !
Elle est revenue .
Ma mouche dans mon noir.
Ou peut-être est-ce sa sœur cadette ? sa fille ? sa  petite nièce ?
Il y a en effet un  je ne sais quoi de juvénile dans son bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.
Qui , c’est très curieux je vous l’assure , désépaissit le noir alentours . Le dentellise .
Impression fort troublante d’être drapé dans une mantille noire .
Qui sait ? je me sentirai bientôt toreador ?

Je vais m’entraîner à faire de belles véroniques  et surtout , surtout  , oui surtout  je ne veux pas rater ma faena de muleta
porter l’estocade à cet énorme toro noir  ça ne sera pas fastoche
deux oreilles et la queue rien de moins !

dans le noir je me plante mes banderilles dans les yeux pour mieux « y » voir

 

Page 50


page 50

dans le noir le saviez vous il est facile
d’imaginer Sisyphe heureux !
et même qu’il est carrément hilare . Personne ne le voit plus . Il reste assis .
Au pied de sa montagne . La lourde pierre à ses côtés comme un gentil toutou très câlin .
Monter « au haut » ? rien que l’idée le fait pisser de rire !
Ni vu ni connu , my name is nobody ! Black nobody qui plus est :  Il se marre Sisyphe , il se marre !
Et se roule peinard tranquillos  juste ses clopes .

Page 49

page 49

IL fait toujours aussi noir
Qui c’est ce IL qui fait ce noir là ?
Est-ce le même qui « pleut » ou qui « neige » ?
est ce celui qui « fait très beau » ?
mais surtout surtout , est celui là qui « faut » ?
et si j’écris : « il ne faut pas qu’il fasse aussi noir »
est ce que c’est du même  « il » qu’il s’agit ?

mais                 peut être                  « IL »                                   c’est  le noir
(et itou la pluie la neige le beau temps et le « falloir » qui les rend  indispensables)
Alors ?
alors rien de mieux de plus de moins 
reste : le noir
« il » reste

 

Pages 47,48

 

page 48

Pépé  m’a appris à pêcher dans la « retenue » du moulin  Colomb
trouille tremblissimante en passant la passerelle frêle et antiquissime en dessus du bief
(l’ancien  propriétaire du dit Moulin était un vieil ami de Pé pé : il y avait maint pannonceaux « passage interdit » que nous franchissions sans problème :  quoique sans cor , la lourde « gaule » suffisait abondamment à épuiser mes faibles forces , je me sentais très Roland et si quelques Maures avaient surgi (ou Indiens « sur le pied de guerre ») (mais quelle idée d’appeler un moulin  des premières pêches « Colomb » ) je n’avais aucune crainte : Pépé les aurait , certainement pas occis , mais aurait fumé un calumet de quelque certaine  paix (avec son gris) en leur compagnie .
Un Maure ou un Indien ne présentait aucun danger potentiel
pour qui avait amadoué Mémé Félicie

page 47

dans le  noir on n’oeuvre pas
 nulle œuvre ni vive ni morte
et nulle manœuvre à la voile (qu’on n’a plus) (emportées les voiles ) (de ça de là pareilles à la )
on n’abat plus ni  ne loffe on ne prend plus de ris  on ne louvoye plus ni n’empanne  on ne choque pas 
on laisse aller  tant pis si ça fasseye
nul vent à remonter
on y va  au plus prés  arrière  bon plein ou largue on s’en contrefout
et même vent debout  ça fait notre affaire

toutes voiles fasséyantes
nous-mêmes assis
trembottant du menton
« je vous l’avais bien dit »

cul de jatte hissé (hardi les gars heho heho) au sommet d’un mât d’un bateau crevettier en pleine tempête : Apocalyse Now ?  No !

 

Pages 34 à 46

page 46

on peut écrire : « je me souviens de ce que je vais vivre »
on le peut
on peut aussi écrire : « je n’écris pas »
on le peut
on peut aussi essayer de pouvoir dépasser ses propres mots   les dribller   petit pont  tir au but
et pas grave s’il est mal « cadré »                            le tir
la « cage » est si immense  qu’on finit toujours par « égaliser »
zero partout                   le seul vrai « score »

 

page 45

Mémé adorait jouer à la belote .
Elle faisait toujours équipe avec Tatan Fanny , une antique demoiselle adorable qui n’était la Tante de personne mais la Tatan Fanny de tout le monde .
Moi j’étais toujours avec Pépé.
Parce que l’un et l’autre on évitait avec précaution (fallait des ruses d’indiens ) (à l’époque j’étais hyper au point question « indiens ») de se retrouver en équipe avec Mémé .
Elle était terrible à la belote .
Fallait voir comme elle enguirlandait Tatan Fanny : « mais ma pauvre Fanny , t’as pas vu mon appel à trèfle ! » « mais ma pauvre Fanny , ton valet de pique  tu pouvais pas le garder un tour de plus »
Pépé et moi on souriait .
Mais vite , pour pas se faire remarquer par Mémé parce que sinon : « ah vous deux ! je suis sûre que vous trichez ! et faites pas vos malins vous n’avez pas encore gagné la partie ! c’est à qui de distribuer »
Pépé et moi , on baissait humblement la tête , chenue la sienne , chevelue la mienne , on regardait nos cartes et on tentait un petit clin d’œil par-dessus les dites cartes, tenues , comme il se doit , en habile petit évantail de hasard .

Au plafond de la cuisine , au milieu de la grande table , il y avait de ces pendigouillons collants où les mouches , petit à petit ,venaient s’agglutiner .

Le soir , dans le noir (mais pas vraiment très  noir : le volet était toujours  à l’espagnolette ) (et la fenêtre grande ouverte)(c’était toujours l’été chez Pépé et Mémé) (même l’hiver c’était l’été)
le soir , tard , après les parties de belote , tard c’était  10 heures ) dans le  noir , le soir , après les paries de belote

je pensais  « à des trucs »

page 44

Elle n’est pas revenue , la mouche .
Ou du moins la mélopée lancinante , le raga-bzzzzzz .
Je ne peux dire qu’elle me manque car dans le noir rien ne vous manque , vous êtes au-delà – ou en deçà ? – du manque .
Peut être à l’agonie , peut être mort , peut être non-né , rien ne peut vous manquer .
Vraiment , dans le noir , on ne manque de rien , et rien ne vous manque .
Rien ni  manque ni passe  la petite boule ne tourne plus
ni croupier ni tapis rouge  les jeux sont  faits rien ne va plus
plus rien

 

Pages 37 à4343

intervention exceptionnelle de la webmastrice: diagnostic: c'est bien la touche 3 qui pose problème . Normal puisque la touche 3 est aussi celle du # et des """"""""""""""""

page 4343

« en répétant inlassablement une ou plusieurs notes, permet de mieux faire percevoir la tonique et de libérer le soliste dans son exploration du mode »

4343434343 4343   4343 43434343434343 4343   4343 4343
4343434343 4343   4343 43434343434343 4343   4343 4343

se libérer « du mode » est petite affaire

reste le noir
et s’en sortir (pourquoi ?)
mais pas sans l’avoir exploré de fond en fond
(comme disent les petites marionnettes grimaçantes à tête de Gorgone : des trois ma préférée est Sthéno :  nul héros ne lui a coupé la caboche , elle leur disait : « raconte moi ton histoire petit couillon au lieu d’agiter véhémentement ton épée ! tu vas finir par te faire mal . Raconte moi ton histoire : je prends note ! »

page 42

il y a des ragas du matin
et des ragas du soir

pas de ragas du noir

Dans le râga, un ou plusieurs instruments ont pour mission d'installer une sorte de fond sonore qui sert de base harmonique à la musique. Ces instruments sont souvent des tampura (grand luth à manche long). Toutefois un instrument à plusieurs voix peut assurer lui même son propre fond harmonique.
Ce fond sonore, en répétant inlassablement une ou plusieurs notes, permet de mieux faire percevoir la tonique et de libérer le soliste dans son exploration du mode. La musique occidentale n'a pas besoin de ce type d'accompagnement à cause de sa grande simplicité dans l'utilisation des modes.

Dans le noir c’est plus simple encore
le seul bruit de sa respiration (ou le souvenir que tu en as)
est une polyphonie polyharmonique et même plus

dans le noir tu polyragames ?
longs polyragames d’agonie ?

page 41

le mot « page » est-ce  une  « façon de dire »
une « illusions d’optique »
un « trompe-l’œil » ?

pas fastoche à décider de ça
dans le noir

peut être que le mot « page » est un « vague » souvenir
une sorte de « neige d’antan »
Qui beauté eut trop plus qu'humaine?

Mais  ça oui quand tu es dans ton noir   « ça fait drôle » d’arpenter un champ de neige vierge (la page est blanche forcément forcément) (une page « noircie » est sale)

envie de grands saignements d’oiseaux passant ombres noires dessus tout ce blanc

pour te divertir un peu

 

petite lâcheté usuelle aisément pardonnable , n’est-il pas ?

page 40

parfois dans le noir vous avez des illusions d’optique
généralement elles sont dans un ton orangé assez psychédélique
et ça vous rappelle cet orange terrifique de la R 12 de votre vieux père
et qu’il vous l’avait prêtée peu de temps après que vous ayez « eu » votre permis de « conduire » (code : 5 fois / conduite : 4 fois) et merde minde et shit et crotte vous l’aviez salement « rayée » la R 12 (porte avant droite) et quelle trouille en rentrant .
Le Père avait souri gentiment (mais quand même un peu fâché , l’était maniaque assez) et avait dit : « Fils , je te donne l’Ondine , tu te feras les dents avec ! »)

Il n’y a jamais eu des Ondines orange .

page 39

choses quelque peu ridicules dans le noir

avoir des idées noires
voir la vie en rose
se choper un coup de blues
attendre que le feu passe au vert
demander un « petit jaune »
chantonner (faux)  « blood red wine » des Stones

le mot « arc en ciel »
les vieilles pubs Beneton

 

page 38

Pépé ne chiquait pas mais se les roulait , tirant son pétun de petits paquets gris (on disait par métonymie « du gris ») de marque Caporal .
Ca lui à la longue avait tout jauni les doigts de la main dextre
J’aimais beaucoup l’odeur âcre de ce « gris » ça sentait Pépé . 
Très tôt il m’a laissé tirer (en douce sans que Mémé ne le voie) un taf (mais je ne savais pas alors qu’on disait ça « un taf ») : pouacre !
j’ai dû dire « pouah ! » et peut être « c’est pas bon ! »
en grimaçant
J’en suis resté , pendant quelque temps , aux rouleaux de réglisse, aux boites de coco , et aux sucettes Pierrot Gourmand. Et aussi aux bonbons Stoptou .
Tout noirs ils étaient les bonbons Stoptou . Forts , «vachement » forts . Et « vachement » noirs .

Pourquoi , récurrentes, dans le noir , ces « remontées » gustatives ?

page 37

tu dans ton noir te taira
 donc pas fichu bavard
quoi de plus te faut pour te la couper
ta chique te la faire poser :
l’avaler ?

 

Pages 32 à 36

page 36

expressions qui n’ont pas « lieu d’être » dans le noir :

il n’y a pas de honte à (avoir dans le noir)
tant va la cruche (dans le noir)
I’m black and I’m proud (dans le noir ?)
Après moi le …   (noir ?)
Les bons indiens sont les indiens … (noirs ? )
L’homme est un pont tendu … (entre le noir et le noir ? )
Si j’avais su je n’aurais pas venu (dans le noir ? )

 

page 35

Noir ouate épaisse noire mais épaisse
funambule sans fil
même pas peur : je  peux pas tomber

 

page 34

NOIR


n’est qu’un mot
C’est ce que je me répète dans mon noir
Effet nul ! effets secondaires ou  dégats collatéraux : 34 pages qui ne sont même pas de vraies pages sur du vrai papier .
Sur du vrai papier (si épais et blanc, même « cassé » ) l’encre (noire) est un peu « bue » : ça serait  déjà une petite victoire .

 

page 33 bis

intervention exceptionnelle de la webmastrice: souvenez-vous, la page 23 fut l'objet d'un incident...la page 33 aussi . Nous avons eu une page 23 inexistante suivie d'une page 23 plus ou moins normale. La page 33 est double. C'est une double page 33. Attendons la page 43 pour affiner le diagnostic.

Les miroirs ne sont plus necessaires dans le noir .
Contrairement aux apparences – ou plutôt à l’absence des apparences -  dans le noir votre image est très très présente . Et même envahissante . Partout dans mon noir je me retrouve , je bute sur des éclats de moi , des bribes , des reflets  - car le noir brille , le mien du moins fait ça , briller ,comme poli  - kaleidoscope troublant : des éclats d’œil , des bouts d’épaules , un ongle , le méat  d’un pénis , un fragment de poil , une ride du front .
Dans le noir  je suis éparpillé façon puzzle
ah ah ah ! flingué !
pour un peu ça sentirait la pomme dans mon noir .
En plus de l’odeur de rhubarbe .
Allez ! on ose ! SUCETTE-SAGAIE goût rhubarbe-pomme !

 

page 33

Mémé faisait plein de trucs avec de la rhubarbe. Des confitures (elle y mélangeait de la fraise, hum ! ) des compotes (elle y mettait des framboises , hum !) , des tartes (elle y mettait des fraises ET des framboises hum !)
Et les feuilles , immenses , de rhubarbe m’impressionnait , dans le jardin (de quel Eden ?)  comme des oreilles d’éléphants .
Il n’y a jamais eu de sucettes Chupa-chup , ni Pierrot Gourmand « à goût » rhubarbe (et je ne parle pas de goût rhubarbe-fraise ou rhubarbe-framboise )
Il faudrait inventer des sucettes en forme d’oreille d’éléphanteau à goût rhubarbe-fraise-framboise .
La marque ça serait : « Sucettes-Sagaies »
(j’entens d’ici la bande son de la pub-télé : des tams tams au son profond , non non ! encore mieux , des troncs creusés- avec grand peine – en bois d’ébène  et une tribu en transe tapant dessus en brandissant des lances (pas les mêmes figurants évidemment :y auraient ceux qui taperaient sur les troncs et ceux qui brandiraient les lances )
et en voix off , une voix d’explorateur – virile tellement , la voix , qu’on verrait qu’elle a un chapeau d’explorateur –
LA SUCETTE-SAGAIE LA SUCETTE DES AVENTURIERS DU GOUT !
et elle rajouterait , la voix off du grand explorateur :
« goût pure rhubarbe » « goût rhubarbe fraise » « goût « rhubarbe framboise »

et là vlang ! soleil couchant sur la Brousse (Mémé , là où elle vivait , c’était la Bresse, mais tant pis ) ! Les Tams Tams tamtament de plus en plus frénétiquement . Dans le loin un troupeau d’éléphants qui s’approchent d’un « point d’eau » en barrissant de satisfaction anticipée .

 

page 32

Vous êtes aussi peut être dans le noir .
Mais c’est « votre » noir , pas le mien .
« Votre » noir ne saurait en aucun cas être « mon » noir . Sinon vous seriez là .
Et vous n’y êtes pas .
Mais alors pas du tout . Ni en haut ni en bas ni à gauche ni à droite .
Et vous n’avez pas de sagaies menaçantes .
Et je n’ai pas ma tenue complète d’explorateur .
Si vous êtes là , barrissez comme un troupeau d’éléphants .
Allez y franchement .
Faites un barouf du Diable ! (ou d’une tribu très encolérée de diablotins en rage et très affamés)
Même pas cap ! faux Cafres !
« Votre »  noir n’est pas « d’ébène » : très noir ou veiné. Grain très fin, bois très lourd. Fil droit, coupe nette, très sec sous l'outil et fendage franc. Finement pailleté d'incrustation de cristaux d'acide oxalique qui lui donnent son aspect scintillant si particulier à la lumière. Poli parfait, luisant, très lisse, mat ou brillant, très lourd (densité de 1,00 à 1,10) débardé en bûches purgée d'aubier de taille suffisante pour être portées par un homme (30-70 kg) puis lié à d'autre espèces moins denses pour assurer sa flottabilité.
Hein ?  c’est pas vrai ce que je dis ? hein ?

 

intervention exceptionnelle de la webmastrice:

...de notre grand reporter envoyé spécial pour lieux-dits au pays des Cafres de Sud Bourgogne  : photos de la cérémonie dite

"l'écriturede la page 32" 

(âme sensible s'abstenir) (images terrifiques) (Horror horror horror ! fin d'Apocalypse Now ) (et du "coeur" des TENEBRES de conrad) et qu'est ce qu'on lit dans "Horror"' ? RORO ! raah lovely !

 

photos de la cérémonie dite "l'écriture de la page 32"


Pages 29 et 30 et 31

page 31


    Dans le noir qui est le mien pas de haut de bas de droite de gauche .
Et pourtant j’ai l’impression que je regarde systématiquement « vers le haut » pour voir  le début de commencement d’une étincelle d’une improbable lueur (fût elle aussi chichiteuse que celle que dispensait l’ampoule conchiée par les mouches dans le grenier mythologique de Pépé)
et si elle venait « d’en bas » cette nano-lueur ?
mais où est désormais mon « bas » ?
et si , alors que je surveille mon « haut » , la vague lueur, timide comme une pucelle au bal des Débutantes , luorisait dans mon « bas » ?
je la raterais , cette craintive luciole .
Ah ? ça me trouble assez tout ça .
Où regarder ?

Peut-être ne pas ?

Fermer les yeux (pour ce que ça change !)

 

page 30

Je n’ai jamais eu peur du noir . Même gosse . Au contraire même , petit j’aimais bien « être dans le noir » . Par exemple , chez Pépé, il y avait un immense grenier – du moins il était immense pour moi – Très sombre mais plein à craquer d’odeurs merveilleuses . Surtout l’été . Pour y voir quelque chose il fallait traverser ce grenier et pousser un lourd volet de bois . Il y avait une ampoule électrique qui diffusait une lumière assez chiche , mais jamais je ne l’allumais . Je préférais traverser dans le noir – ou presque : je laissais un peu de jour rentrer par la porte – pour aller pousser le gros volet . Ca , en revanche ça me fichait une sacrée pétoche de pousser ce volet là : il fallait se pencher et pousser pousser avec mes petits bras pas très costauds , et j’avais toujours la trouille de tomber par la fenêtre . Mémé me « rouspétait » régulièrement à ce sujet : « un de ces quatre tu vas te péter la margoulette » .Et elle ajoutait toujours : « Mais qu’est ce que tu vas donc tant faire dans ce grenier alors qu’il fait si beau dehors ? » .
Je lisais .
Il y avait une petite étagère qui croulait sous un vrac de bouquins en tous genres . Mais surtout il y avait une série de vieux romans dépenaillés , sous des couvertures en gros papier épais , souillées , déchirées, marbrées de taches d’humidité , bouffées par les souris . Un trésor . Des romans d’aventures fabuleuses .
Je me souviens très bien de l’entre eux , j’ai dû le lire 10 fois ou plus . « Aventures au pays des Cafres » . Sur la couverture un « explorateur » , vêtu de pied en cap d’habits « d’explorateur » , avec un chapeau « d’explorateur » , et un gros fusil « d’explorateur » (et « à éléphants ») était entouré par une horde hyper menaçante de « sauvages » d’un noir très très noir - « d’ébène » il était même , ce noir - . Vêtus de « pagnes » et brandissant des « sagaies » avec des lames super mahousses , ces « sauvages » - les Cafres du titre – avaient tout l’air de vouloir trucider méchamment l’explorateur , et , évidemment  le bouffer !
Ah que c’était bon de voyager aux pays des Cafres , les longues longues longues après midi d’été , dans le grenier de Pépé .
Quand j’avais mon saoul d’aventures d’explorateurs et de sauvages je refermais le gros volet du grenier : mais à ce moment là je n’avais plus aucune peur du tout et pour un peu je me serais hissé  debout sur le rebord de la fenêtre grande ouverte qui donnait sur le jardin  .
Mais je ne l’ai jamais fait , Mémé aurait piqué une grosse colère si elle m’avait aperçu .
Et je craignais plus les  colères de Mémé qu’une horde de cannibales en transe !

 

page 29

FIAT LUX
RIEN
FIAT LUX
RIEN
FIAT LUX
toujours rien !

Je n’avais pas grande illusion mais ça ne mangeait pas de pain d’essayer , non ? Cependant  ce ratage complet , loin de me plonger dans je ne sais quelle dépression , a plutôt tendance à me réjouir .
Envie badine d’essayer des variantes :

Renault Lux !
Citroën Lux !
Porche Lux !
Jaguar Lux !
Ford Lux !
Bentley Lux !
et même Rolls Royce grand Lux pendant qu’on y est  !

Mais rien n’y fait . Ca reste noir tout noir .

 

Page 28


et si ça n’était pas une mouche ?
ce bombinement continuo , ostinato ?
quoi alors ? certes pas un feulement de tigre , ni le chant d’une baleine avec ou sans bosse, ni  un miaulement de chat , ni le coucou facilement reconnaissable d’un coucou !
alors quoi ?
le bruissement annonciateur d’un Big Bang peut être ?
et pourquoi pas ? Nul – dont moi – n’a jamais entendu bruire l’Univers avant qu’il soit . Peut-être a-t-il été précédé d’un bombinement d’ailes velues avant qu’Il n’éclate au grand jour (et dieux et diables – qui surviendront plus tard – savent que ce fut une grandiose pétarade – d’après les bruits qui ont couru , après) , l’Univers ?
Mais alors , dans mon noir , je serais donc  « avant » ? en avance ? un avorté de la Création ?  une fausse-couche en quelque sorte ? même pas un fœtus viable !
ou alors ?
mais là j’ai les guibolles qui flageollent un peu ….
si … si moi , et moi seul – depuis que ma mouche n’est plus forcément là je ressens un terrifiant sentiment de solitude -  peux entendre ce bruissement d’Avant … serait-ce à dire que je …. suis … celui qui …
je n’ose aller plus avant .

je préfère attendre encore un peu  - et même longtemps –
peut-être que ma mouche reviendra  
envie de chanter (faux mais à pleins poumons) : « Un jouUUUuuuuuur ma mouUUUUUche viendraaaaAAAAaaaa… »

peut-être que l’Univers ne sera pas créé
ou du moins en restera où il en est à présent (mon présent) : du noir , moi dans le noir avec mes souvenirs de Chupa-chup et de Pierrot Gourmand , et une mouche . (sans tigre ni baleine ni chat ni coucou ni matin ni soir ni jour ni nuit

ni les mots pour ne pas les dire

 

 

la vinteset

perpléxité soudaine : c’est quoi une « page » ?
j’ai oublié
le noir , je sais
« mouche » , je sais
« chupa chup » & « pierrot gourmand »  , je m’en souviens
mais « page » ?
kesaco ce truc là ?
et « 27 » ? qu’est ce que ça signifie vraiment , « 27 », quand je dis « vraiment » , je m’entends bien , je veux « vraiment » dire « signifier »
27 , franchement , entre vous et moi  (vous en tant que peut-être « vous » , quelque chose ou qu’un (qu’une y comprise) qu’on peut mettre « sous » ce mot – un pronom personnel , je m’en souviens aussi , de ça – on se souvient de n’importe quoi -) , entre nous donc , franchement , à tout vrai dire , « 27 » , ça ne veut rien dire , stricto sensu , non ?

répétez après moi pour voir (ou ouïr) cette absence de sens :

vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset
vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset vinteset

alors ?

on passe à la page vintewyt ?
(à goût  « chocolat-banane » , sûr que ça va attirer « ma » mouche )

 

Page 26

Sans doute me suis-je un peu trop exalté .
Je n’entends plus rien .
Je pleure – je l’avoue sans nulle honte -  je n’entends plus rien et je pleure sans bruit . J’avais déjà essayé de sangloter bruyamment dans le noir  mais le noir semble avoir la propriété d’étouffer le bruit – déplaisant au demeurant – des sanglots .
J’ai aussi essayé tous les autres bruits qu’il est possible de produire avec un corps humain .
Tous étouffés ! Schlick schlack ! quel tour ne main dans le maniement du garrot !

pourquoi alors le bombinement d’une mouche avait –il pu échapper à cet étouffement  plein de maestria ?
mais plus rien .
 Ma mouche est elle morte ?  A-t-elle pu remonter les millions de kilometres de puits noir  qui me séparent – à vue d’œil ! ah ah ! si ça n’est pas de l’humour noir ça , qu’on me dise ce que c’est ! – de là où « il » ne fait pas noir .

Si tant est que ce « là » , non-noir , existe , ait existé ou existera .
Ce qui , je le concède , est une pure « vue de l’esprit » .
En cet instant précis – noir certes , mais précis – envie véhémente d’une sucette  chupa-chup ou pierrot gourmand qu’importe – et peu importe le parfum - : l’odeur attirerait peut être ma mouche et son bombinement salvateur ?

 

Page 25

Depuis peu j’ai de la compagnie dans mon noir . Oui je dis bien « mon » noir – les hommes ont une tendance spontanée à l’appropriation , mon ceci , ma cela , mes trucs , mes machins , et souvent ils s’enorgueillent de ces possessions – pourtant éphémères : le temps d’une vie d’homme  aussi volatile u’un pet de moustique dans une tempête force 10.
Une  mouche .
Dans mon noir bombine une mouche . Je suppose du moins qu’il s’agit d’une mouche , à son bombinement . J’écoute attentivement – jamais je n’ai été aussi attentif à quelque chose qu’à ce bombinement dans mon noir -  le bruit qu’elle fait , ma mouche , et ce bruit m’est devenu instantanément aussi – que dis je ! plus , infiniment plus – précieux que toutes les musiques que j’ai pu ouïr dans mon existence , que tous les bruits de bouche sortis de vos bouches et de la mienne , que toutes les cantates , les cris de victoire , les discours enflammés , les roucoulements amoureux , les  épopées , les divines comédies sobres ou ivres .
Ah la musique de ma mouche !

quelle est-elle ?
la mouche à bœuf ou taon la mouche à fruit ou mouche méditerranéenne des fruits la mouche à merde la mouche à toison ou asile la (grosse) mouche bleue ou mouche à viande la mouche charbonneuse ou mouche piquante la mouche de Hesse la mouche de l'asperge la mouche de la betterave ou pégomyie (Pegomyia betae) la mouche de la carotte la mouche de la bryone (Liriomyza bryoniae) la mouche de la cerise la mouche de la mangue la mouche de la Saint Marc ou bibion de la Saint-Marc la mouche de l'oignon (Phorbia antiqua) la mouche de l'olive la mouche de Libye ou lucilie bouchère la mouche des fruits du Pacifique la mouche des pluies ou anthomyie pluviale la mouche des semis (latura) la petite mouche domestique la mouche dorée la mouche du chou (Delia radicum) la mouche du cresson la mouche du fromage la mouche du melon la mouche du navet (Delia floralis) la mouche du vinaigre ou drosophile la mouche grise de la viande ou mouche à damier ou mouche noire la mouche grise des céréales la mouche grise de l'endive (Ophiomyia pinguis) la mouche mineuse américaine (Liriomyza trifolii) la mouche mineuse sud-américaine (Liriomyza huidobrensis) la mouche orientale des fruits la mouche tsé-tsé ou glossinela mouche verte
je l’aimerais simple « musca domestica » mouche domestique ou mouche commune
et qu’importe que
Baal-sébub, Baal-zébub, Baalzébuth, Béelzébub, Béelzébuth, Belzéboul, Belzébul, Belzébut ait été déclaré « Prince des Mouches »
Dans mon noir nul prince des Ténèbres ni Seigneur des Mouches , dans mon noir , « ma » mouche  et sa musique sacrée .
Ni dieu ni diable qui ne tienne ou n’existe ! mon royaume pour une mouche !
mon royaume EST une mouche ! sa mélopée lacinante reconstruit dans le noir quelque chose qui n’est plus le noir .
Peut-être sortirai-je de tout ce noir transporté par le bruissement des ailes de ma mouche ?

 

Pages 23(bis) et 24

page 24

Dans tous les romans où le héros (pas forcément le narrateur) est en prison il finit toujours pas cocher les jours : entailles sur un poteau de bois , rayures sur un mur , croix sur une vague paperolle , il décompte , il tente de garder pied dans le temps – même si ses pieds à lui sont enchainés ou bardés d’un boulet massif – il se refuse – et son entêtement est toujours présenté comme louable , résistance d’un homme face à l’adversité – à ne plus être dans le temps, il veut savoir « quand » il en est .
Où, il sait , en prison , mais quand ça lui importe vraiment
de ne pas perdre ce repère là
dans le noir le temps aussi est noir
d’un noir mat
d’une impeccable matité noire

parfois le « noireux » - l’homme dans le noir se nomme parfois ainsi , se plaisant à se distinguer de la sorte de ceux qu’il appelle « la blanchaille » -
le noireux donc , s’improvise des calendriers : « ah aunoird’hui c’est mercrenoir ! « 
ça le fait sourire
ça ne lui fait pas passer le temps qui ne passe plus dans le noir (on l’a dit déjà mais on le répète)
mais ça le fait sourire
noir

à ma montre il est noire heure moins noir
heure d’hiver
et sombre cet hiver
mais pas froid
(manquerait plus que « ça »)

 

page 23 (bis)

intervention exceptionnelle de la webmastrice: le remord!

 

ce dont on n’a plus besoin dans le noir :

les prévisions météo  dominicales « pour la semaine »
un téléphone 3 ou 4 -voire plus- G
des nouvelles des marées noires quelque part ou ailleurs
des résultats de quelconques  « tournoi » « finale » « coupe »
de débat «sur la question des retraites »
de cotiser à
de changer les pneus avant de sa vieille  voiture parce qu’ils sont usés « et vous ne passerez pas le contrôle »
d’être assuré contre

et de télécharger la dernière mise à jour

le noir est toujours impeccablement mis au noir
sans qu’on s’en préoccupe

 

Pages 18 et 19 et 20 et 21 et 22 et 23

page 23

intervention exceptionnelle de la webmastrice:La page 23 est vide. C'est une ruse assez mesquine disons-le tout net pour réduire le ROROMAN à 12344 pages. Faisons mine de rien.

page 22

plus le temps passe – ce qui n’est que « façon de parler » puisque je n’ai strictement aucune notion du temps simplement je sens , comme une sorte de petit vent coulis , qu’il passe , doucement, comme s’il glissait sur des « patins » pour ne pas rayer un parquet ciré de frais   –plus je m’aperçois que cela m’indiffère de découvrir si j’agonise ou si je suis mort , voire même pas encore né .
rien n’arrive
il fait noir
le temps ou ce qui en tient lieu glisse délicatement sur ses « patins »
malheureusement je ne sens pas cette merveilleuse odeur de parquet fraichement ciré
l’ai-je déjà sentie ?

cire-t-on le bois des cercueils ? ou sont ils  vernis ?
j’aimerais beaucoup un cercueil ciré
et qu’on le fasse « briller »  en frottant fort avec un gros chiffon qui ne peluche pas trop
et ça serait marrant d’être couché dans ce cercueil bien ciré et bien brillant
avec des « patins » au pied
pour ne pas rayer le couvercle

 

page 21

                                                                      en guise de pense-bête 

résumé :  il fait tout noir
situation initiale : le narrateur est dans le noir
évenement perturbateur : rien ne change il fait noir
péripéties :  pas l’ombre d’une lueur le noir est « complet »
élément de résolution : ?
situation finale : ?

page 20

fausse alerte  ni cendres ni rien

qui n’a pas brûlé ?

envie pourtant forte d’une quelconque vague compagnie
d’un quelconque défunt
même très crématorié

page 19

où rien n’a ni lieu ni feu
(mais au loin quelques signaux de fumée)
(à vue de nez)
(dans le noir le nez importe)

 

page 18

choses qui font de beaux bruits dans le noir
(et qui couvrent les petits geignements d’agonie du narrateur)

la bruit mat absolument mat d’une bate de base ball frappant exactement une balle dans l’air doux d’un soir de printemps
le sifflement d’un sabre de samouraï tranchant net le cou d’un autre samouraï
un marteau sans maitre tapant à l’aveugle  sur un clou sans tête
le chant (crissant) d’une pie blanche avec le bord des ailes ocre roux
le glouglou de millions de tonnes d’huile de pierre s’échappant d’un puits sous marin
le cri de victoire d’un soldat inconnu même de « ses proches »
la voix d’une cantatrice hirsute sussurant à pleins poumons qu’elle n’aime pas la corrida
le bruissement d’un moulinet quand au bout de la ligne il y a un « gros »
le dernier souffle d’une baleine « à bosse »
le saxo de Coltrane soufflant  « my favorite things »

 

Pages 15 et 16 et 17

page 17

essais de titres (1) :
« à la recherche du noir perdu »
« voyage au bout du noir »
« autant en emporte le noir »
«au dessous du noir »
« chronique d’un noir annoncé »
« Bob Morane et l’Ombre Noire »
« le meilleur du noir »

page 16

Tous les romans sont polychromes
peut-on écrire un roman monochrome
ou mieux achrome ?

doute : le noir est il une couleur ?
couleur : le doute est-il noir ?

 

page 15

dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir
dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir dans le noir

manière noire
je me berce
« fais dodo fais dodo fais dodo »

MÊME PAS PEUR !

 

Pages 12 et 13 et 14

page 14

ce qu’il y a de bien dans le noir (2)

  • impossible d’y organiser une coupe du Monde de balle au pied
  • ou alors une coupe du monde de balle au pied de nuit avec une baballe noire et tous les matches seraient « en nocturne » avec juste une bougie d’anniversaire au milieu du « terrain » (un parking goudronné)
  • toutes les marées sont noires « forcément » noires (et les inondations de la Vologne aussi,  à propos de laquelle  on peut lire que : « La densité de son peuplement en truites lui a valu d'être sélectionnée pour accueillir certaines manches du championnat du monde de pêche à la mouche en juillet 2002 (organisé par la France sous l'égide de la Fédération française des pêcheurs à la mouche et au lancer) ».
  • les « garçons » de café ne demandent jamais ce qu’on vous sert , c’est toujours des « petits noirs » (leur questionnement porte  uniquement sur leur nombre : un  ou deux ? (dans le noir tout noir les garçons de café sont tous des fans de Jim Jarmush)

page 13

parfois mauvais présage de l’angle gauche (en bas) de l’écran noir
surgissent des sortes de petits grignotements
passablement effrayants
même pour un « plongé » dans le noir
et soudaine envie d’hurler : « touche pas mon noir »
GARDAREM LOU NOIR
et alors ouïr ce bruit étrangissime : un grignotement qui ricane !

page 12

et si au mileu du noir coulait une rivière
les truites seraient elles arc-en-ciel ?

 

Pages 9 et 10 et 11

page 11

ce qu’il y a de bien dans le noir :
tout prête à une certaine «confusion » (et pas que des genres)
les mauvaises herbes ne poussent pas et on n’a pas besoin de desherber (il n’y a d’ailleurs rien à désherber) (ça serait quand même un comble un noir potager )
on n’est pas obligé de savoir le sens du mot « camaïeu » : le noir c’est noir point barre
on ne peut pas se choper le blues on est dans le noir faut pas tergiverser finasser pinailler on fuck toutes les colors
pas besoin d’aller plus loin ou ailleurs c’est pareil partout c’est noir alors on reste : là dans ce noir
quand un corbeau passe on ne le sait pas
mais un merle si un merle quand on est dans le noir c’est une virgule jaune une étincelle d’allouf que quelqu’un semble craquer et alors on hume hume hume pour se souvenir de ce que c’était bon l’odeur d’une allouf craquée quand les alloufs elles sentaient bon et avant les briquets Bic
on peut se faire « des taches »  même de sang on peut même se vider de tout son sang ça ne se voit pas dans le noir tout son  sang qu’on peut se vider sous soi
il n’y a pas d’issue de secours pas de secours pas d’opération « rescue » pas de sauvetage « en noir »

intervention exceptionnelle de la webmastrice: "fais gaffe Roro tu as oublié ta batte de baseball à la maison"

page 10

tais-toi ! dors ! ronfle si tu veux , mais pas trop fort quand même
j’aime bien ouïr les miaulements du chat tout la haut-bas sur la margelle-fond du puits
MOI : c’est pas un chat ! c’est une grèbre roussâtre ! la dernière , elle est en train d’agoniser elle aussi , bouffée par une saloperie de poisson carnivore
TOI-lecteur- san :  y a un poisson sur le bord de la margelle du puits ? c’est un poisson volant dis donc !
MOI :  t’es con !
TOI –lecteur-san :   allez ! keep quiet ! dors ! ronfle si tu veux ! vole ! va et nous venge !
MOI :  j’ai pas ma cape ni mon épée et j’ai vraiment trop sommeil pour aller les chercher dans le vieux coffre du grenier
TOI lecteur-san :  parce qu’en plus et même de surcroit il ya un grenier dans ton puits ? allez fais  dodo and sweet dreams !

page 9

dis ? EgoyoichI   san    c’est la matin ? le soir ? fait jour ? nuit ?

 

Pages 7 et 8

page 8

Tout ce noir comme un puits de pétrole off shore qui fuit
 sans « shore »
mais puits oui
oh « puits » oui oui oui oui oui oui

et un chat noir sur la margelle
que je ne vois pas
ni la margelle
ni le chat

mais miaulements

tant que ça miaulera en guise de bande-son je continuerai d’agoniser volontiers

mais doute soudain : ces miaulements ne seraient ils pas purement « internes » ?

« je miaule donc je suis » (pas encore mort ?)

miaulons donc
et chaque miaulement devient pierre du puits

première fois qu’on batit un puits en partant du fond
du tout noir que c’est le fond d’un puits sans fond

avec comme seule ressource les miaulements d’un chat noir perché sur la margelle qu’on n’a pas encore construite

mais ça devrait le faire
y’a pas de raison que ne pas 

page 7


c’est long mais on s’habitue finalement .
ce noir tout
ce noir
ça fait écran .
Bon ! je sais ! banal comme « image » cet écran noir .
Mais je voudrais bien vous y voir , vous , dans « cette » situation : dans un noir si noir que le mot « noir » lui-même prête , pour le moins , à rire .
VOUS : et on parie que sur cet « écran noir » tu projettes des films ?
MOI :  des films , je ne sais pas . Des images , oui .  Et je ne les projette pas . Elles se projettent toutes seules comme des grandes . Sans demander la permission à un quelconque « projectionniste » en chef .
VOUS : et donc tu vas nous bassiner avec tes projections d’images auto-projetées !
MOI : comment avez-vous deviné ? zêtes dans la « cabine » ? alors accrochez vous au bastingage , ça risque de tanguer rouler avant de sombrer corps et âmes  (et veaux et vaches et cochons et toute la ménagerie à bord de cette Arche de la Méduse ) ( ça ferait un chouette nom pour un cinoche : « l’Arche de la Méduse » , non ?
VOUS :  non ! ça pue salle d’Art et  décés à plein nez !
MOI : normal ! le proprio est à l’agonie (mais lente , il flane , il s’arrête sur chaque image)
VOUS : et bien sûr pas de distributeurs de coca ni de pop corn ?

 

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dans l’épicerie mercerie bureau de tabac journaux  etc de pépé il n’y a jamais eu de Chupa Chups
uniquement des sucettes  de la marque « Pierrot Gourmand »
elles étaient fouchtrement bonnes ces sucettes « Pierrot Gourmand »
et on aurait tout aussi bien pu se crever un œil ou deux avec les batonnets d’une sucette « Pierrot Gourmand » qu’avec les batonnets d’une Chupa Chup
on s’en est pas crevé
des yeux
c’est donc pas pour ça qu’on est maintenant dans tout ce noir nous alentourant épaissement
c’est tout ce noir alentours parce que – faut-il encore et encore le redire ? -  on agonise
à petit feu
de je ne sais quel petit bois
mais pas assez vieux  il fume trop

on tousse un peu
c’est déjà assez con d’agoniser dans son noir
si en plus on tousse ça devient carrément ridicule

« agonise en silence eh crevard ! »
je comprends cette exaspération
la mort des autres est toujours très pénible pour les survivants – id est les morts en suspens , les pré-défunts , les neo-claquants -  alors si le presque mort vacarme de surcroit pendant son agonie ça leur devient franchement géhenne aux agonisants à venir
dans leur petit environnement approximativement éclairé ils ne peuvent en aucun cas partager l’ennui que c’est d’agoniser dans le sombre et en toussant « qui plus est »
en plus on a la morve au nez
et plus de mouchoir – à portée de main – et notre main on ne la sent plus
comme si on nous l’avait coupée

j’aimais bien quand Pépé me disait : « Dis , tu me donnes un coup de main pour … »
je savais que si je disais oui j’allais avoir droit à une sucette Pierrot Gourmand
même si le moment où il allait falloir choisir laquelle était extrèmement douloureux

 

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  « un » Pépé mort  sur son lit  « de mort » forcément puisqu’il l’était , mort .

« il est  au ciel » en guise d’explication . Ce genre d’explications que les adultes donnent et qui compliquent bigrement les situations enfantines au lieu de les clarifier . « mais qu’est ce qu’il fait là haut, pépé ? et il va pas tomber ? et comment il va manger ? »

Envie de pleurer . A cause de toutes ces questions et de l’immobilité bizarre de pépé .

Peut être même quelques larmes et la morve au nez  . « Mouche toi t’as le nez qui coule » . Alors qu’alentours ça pleure à qui mieux mieux , mère , tantes , oncles , cousins , cousines .

Mais il y a le vieux chien qui est là , son odeur reconnaissable entre tous , sa grosse bonne tête qui vient se presser sous ta main .

Et  déjà moins envie de pleurer .  Rien n’avait vraiment changé somme  toute .

Et tu regardes sans problème les mains toutes croquevillées de pépé , croisées sur sa poitrine , avec certains doigts tout jaunis du tabac gris qu’il se roulait constamment .

C’est pour ça  que la Mort sent le vieux chien et  a les doigts jaunis . Ca reste ainsi . Ca a été la première rencontre . Ca a marqué .

J ’ai beau regarder ici là ailleurs plus prés plus loin , dans tout le noir qui m’alentoure , pas de doigts jaunes et nulle odeur de vieux chien : j’agonise mais Elle n’est pas là .

Que c’est long .

Peut être Elle se décidera , sans prévenir , et me glissera  soudain sa grosse tête un peu pelée sous la main et que j’aurais envie de la caresser , par instinct , ou en mémoire .

 

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J’aime pas ça – autant l’avouer crûment-  agoniser . Même post-mortem . Agoniser de son vivant  c’est déjà assez  « déplaisant » mais agoniser mort ça vire corvée . Ressassement  alzeimmerien

-T’es mort 
-Pas  encore !
- T’es mort ?
-ça vient !
- T’es mort ?
- sous peu !
- T’es mort ?
- je m’efforce à !
- T’es mort ?
- presque ! je pousse !
- T’es mort ?
- Va te faire foutre , fouchtrer , fuckinfouchtrer  et plus si affinités mais ta gueule okay ? j’aimerais mourir en paix ! Peace and Death !
- T’es mort ?
- Tu l’fais exprés ou c’est congénital ? Dans le genre « Le casse couille était dans la tombe et faisait vraiment chier le défunt »  t’es vraiment imbattable.
- T’es mort ?
- D’ennui ! d’ennui ! si tu arrêtes pas c’est sûr et certain que je vais défunter d’ennui !
-T’es mort ?

Là , j’ai craqué . Son cou aussi . Et ça fait un bruit déplaisant un cou qui craque .
Mais  faut aller jusqu’au bout de ses pulsions quand on agonise .
Sinon , quand ?

 

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cette expression : « une longue agonie »
a-t-elle son contraire :  une «rapide » agonie ?
c’est drôle , mais l’idée d’une agonie « rapide » , ça ne fonctionne pas . Ne « le » fait pas . Comme si travail bâclé , salopé .
K’esceque tu fais ?
J’agonise !
T’en as pour longtemps ?
Non ! c’est fini ! la place est libre
Merci !

 

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Mais non !
Je ne peux être mort en rentrant de l’école, un bâtonnet de chupa-chups goût yaourt aux fruits de la forêt (j’ai après un temps de réflexion choisi ce parfum) planté dans le globe oculaire .
Vu que je n’ai jamais mangé ce genre de sucettes dans mon enfance , ça n’existait pas .
Ni depuis d’ailleurs . Depuis , veux-je dire, ça existe , les sucettes chupa-chups, mais , depuis  mon enfance, je n’en ai pas mangées. Sucées, faudrait-il plutôt écrire : on ne « mange » pas un sucette . Même si elles doivent être assez nourrissantes . Peut être même , tout particulièrement , les chupa-chups au yaourt aux fruits de la forêt.
Et wikipédia n’existait pas non plus .
Sans vouloir la jouer Cosette, on était quand même privés de tout dans nos enfances  : pas de chupa-chups , pas de wikipédia ! Mais on avait quand même les premiers tomes des Tintins .
Or donc , qui agonise dans le noir ?
Un simulateur ? un pervers se jouant ses petits jeux dangereux ? un psychopathe ? un mythomane ?
Tout maigre ? mal nourri ?
Soucieux de sa forme , qui sait ? ne se nourrissant que de produits choisis avec soin . 
Agonie d’un bio-écolo ?
Mort en « pleine » forme intestine ? ses petits intérieurs parfaitement clean ? sans surcharge dite pondérale .  Ni cholestérol etc.
Si j’étais (peut-être le suis-je) ce pré-mourant ou post-décédé , mais dans le noir , un noir très sombre dans ses alentours  - où qu’il puisse tourner , difficilement, ses regards -  si j’étais-je suis  cestui-là , j’aurais envie véhémente de fumer une cigarette.
Sans filtre.
C’est beau les volutes de fumée d’un clope , dans le sombre .
Fumer ne peut nuire à un pré-clamsant ou un post-clamsé , non ?
Mais qui est le coupable ? l’assassin ?
Et peut on parler de meurtre avant que la victime soit morte ?
Même si plongée dans un noir tellement noir qu’elle se croit morte. Et assassinée possiblement .
Ah que une  taf est merveilleux !


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Sombre.
Il fait sombre, très, dans mes alentours ;
Alentours potentiels puisqu’en réalité je n’y vois rien . Ne fais que deviner . Ce qu’il y a . Dans les dits alentours .
Mais le vrai problème c’est que je ne devrais pas être là .
En être là.
J’y suis pourtant . Espérant – non , mal dit , je n’espère rien -  ne pas y rester . Ou en rester , là.
Je suis extrémement fatigué .  A bout . Au-delà même d’un quelconque bout . Je me tâte , façon de toucher le vide . Le vide , tactilement , ça n’est ni doux ni reche ni pelucheux ni soyeux .
Sombreux ? est-ce que tactilement on peut sentir ça , une sensation sombreuse ?
Et si oui , est ce que ça vous piquotte ?
Une lame d’acier plantée droit net et sans bavures (mais avec saignements ) quelque part dans ce que , par habitude langagière , vous nommez votre « corps » , ça ne piquotte pas . Je vous l’assure .
Ca vous assombrit les alentours .
D’ailleurs , rideau (de velours noir ?) , j’y vois plus rien . Que dalle macache wallouh .
M’ont toujours fait marrer avec leur lumière blanche au bout du tunnel ! Connards ! Pigeons !

Ch’us mort .
Y a pas photo .
Ou alors photo en noir et noir .
Crois avoir vu que le manche du couteau était noir de chez noir .
Même que le mot « bakélite » m’est venu à  l’esprit ;
Et que j’ai pensé au professeur Tournesol .
Juste avant de mourir c’est con , de n’avoir que ça , comme flash pré mortem , le professeur Tournesol .
et j’ai entendu un bruit bizarre , comme un ronchonnonflement (un peu Dark Vador sous son masque ) 

et me suis demandé : « on entend encore ? quand on est mort ?
Mais peut être que ça n’est pas du tout une lame d’acie (immense , la lame, et tranchante ; un bowie knife terrifique , ça te scalpe un peau rouge – les autres couleurs itou- sans effort . Qu’est ce que ça faisait le bruit d’un scalp qu’on scalpait ?)
peut être n’est ce que le tout petit batonnet d’une sucette chupa chups ?
Tu la suçotais tranquillos ,c’était un jour d’hiver , une fin de jour , ça gelait dur , tu rentrais du boulot , de l’école en fait , tu glisses , et zyouuuup le batonnet de la sucette chupa chups te rentre pile poil dans le globe oculaire , t’y vois plus rien , tu t’écroules, tu râles , tu saignes comme un goret pré-boudin purée pommes, t’es mort ?

Ca aurait bien pu  se passer comme ça .
Non ?

La chupa chups c’était quel parfum ? tu vérifies fissa fissa sur wikipédia et tu coches la bonne réponse :

Fraise
Orange
Pomme
Cerise
Ananas
Citron vert
Pêche
Banane
Mangue
Myrtille
Mûre
Framboise
Melon
Pastèque
Cola
Cola/citron
Salmiakki
Crème de fraise
Yaourt à la fraise
Yaourt à la pêche
Yaourt aux fruits de la forêt
Crème de pêche
Pudding
Chocolat/vanille
Chocolat/banane
Moka
Café
Vanille/caramel
Pomme/mangue
Cola/citron vert
Cerise/vanille
Chupa relax
Crème de fraise cremosa (sans sucre)
Chewing-gum cerise/fraise (sans sucre)