aujourd’hui  encore l’arbre
        veut son  poème
        à moins que  ça ne soit le poème
        qui veuille  son arbre 
         cela me trouble assez
        comme les  feuilles  de peuplier
        sont  troublées
        au moindre  souffle de vent
        et  frémissent 
        mais peut-être  est-ce le vent qui frémit
        dans les  feuilles de peuplier ? 
        les feuilles  de peuplier 
        se  contentent peut-être d’accueillir
        le  frémissement du vent 
      ai-je  accueilli un arbre
        dans ce  poème ?
        l’arbre  l’a-t-il fait frémir ?
      il faudrait  peut-être y abriter
        quelques  oiseaux
        dans l’arbre  dans le poème
        et leur  répons prolixe
        pour  célébrer le jour qui vient 
       
       
       
      je ne parle  aucune langue qu’on dit étrangère
je ne m’en  vante pas je le déplore même
mais c’est  comme ça 
« arbre »  je sais que ça se dit « tree » en anglais
et c’est  tout  
comment  dit-on « arbre » en japonais 
en  serbo-croate en wooloof
je l’ignore 
« tree »  je n’entends rien 
« arbre »  avec rbr entre deux voyelles
 ça frémit dans mon oreille
comme un  peuplier dès le moindre souffle d’air 
et  « arbre » pousse avec lui
arbuste.
 arbrisseau.
 arborescence.
 arboriculture.
arboriculteur.
et aussi  tronc branche feuille racine 
et stère et  buche et fagot et scie et merlin
et cheminée  et suie et âtre
et j’y pends  une lourde marmite 
où frémit le  ragoût perpétuel 
d’un récit  de Giono ……..
………. et j’en  passe tant ça pousse
      une forêt me  pousse dans la tête
        quand je lis  le mot « arbre » 
        une forêt si  dense qu’on peut s’y perdre
        comme un  petit chaperon rouge
        même passé  l’âge
        de la peur  des loups 
       
      
      
       
      oncques nul  ne dit 
      - j’en mets ma  main à couper comme branche -
      d’un arbre 
        qu’il est  antipathique
        méprisant
        ou  agressif
      « c’est  tout  dire »
        et même plus
       
      
       
       
       
      à Jean Pascal
      
          « escoute, bucheron arreste  un peu le bras »
          enjoignait  jadis Pierre de Ronsard
          aux « bucherons de la forest de gastine »
      que dirait  il hui 
        aux  exploitants forestiers
        chevauchant  leur abatteuse komatsu 951
  « la plus grande et la plus  puissante de nos abatteuses. grâce à sa productivité élevée et à son grand  confort d'utilisation, l'abatteuse komatsu 951 est particulièrement adaptée aux  coupes à blanc. 
  Puissance 214Kw DIN à 1850  tr/mn »  ?
      en  croirait-il ses yeux 
        qui lui  resteraient 
        pour  pleurer ? 
      « Quiconque aura premier la  main embesongnée
          A te couper, forest, d'une dure  congnée,
          Qu'il puisse s'enferrer de son  propre baston, »
      Pierre  Pierre mon vieil ami
        les  abatteurs dans leur cabine « ergonomique »  insonorisée 
        n’entendent  même pas  tes menaces alexandrines 
       
       
       
      de grosses  branches au fil du temps
et des vents  mauvais
il en a  perdues
le vieux  prunus de mon jardin
comme autant  de rémiges
      peut-il  encore rêver
        d’envols  frémissants
        et de  migrations au long cours ?
      parce que ça  rêve
        un arbre
        j’en suis  certain
       
      
       
       
       
      certains  arbres 
        deviennent  charpente de cathédrales
        celle de  notre dame de paris
        etait  appelée « la forêt »
      d’autres  instruments de musique 
        d’autres  pâte à papier 
      peut-être  avec beaucoup de patience
        trouverait-on  un poème
        gravé dans  une pièce de charpente
        d’une  cathédrale 
      ce poème
        sans  charpente ni musique
   n’est même pas écrit
        sur du  papier
        mais sur une  page word
        affichée par  un moniteur samsung
      j’ai peut  être épargné
        une branche  d’un arbre
       
       
       
      petit le mot  « baobab »
me fascinait
avec tous  ses b 
il me  semblait l’image exacte
du gros  arbre lui-même
il se  mélangeait dans ma jeune tête
avec  « bibendum » 
le bonhomme  michelin omniprésent
et ses b et  ses rondeurs 
      et puis je  regardais la table de la cuisine
        et le mot  « table » 
        même si je  fermais les yeux
        ne me  montrait pas la table
      plus tard  j’apprendrai 
        des trucs  savants sur les mots
   « l’arbitraire du signe » par exemple
        alors je me  souviendrai en souriant 
        du mot  « baobab » 
        et de ma  fascination enfantine
       
       
       
      l’arbre le  plus vieux du monde
est  un pin de bristlecone (pinus longaeva)
il a 5000  ans 
on l’a  surnommé prometheus 
et il est  également connu sous le code wpn-114
      le plus  vieux poème du monde
        est l’épopée  de gilgamesh
  écrite entre  -1750 et -1600,
      que  conclure de ces datations ? 
        ce poème est  écrit 
        le  15/07/2021 à 18:45
        et dehors il  pleut un petit déluge
  « du ciel, les multitudes  n'étaient plus discernables,
  parmi ces trombes d'eau. » 
        dit la  tablette xi de l’épopée de gilgamesh
       
       
       
      je crois  pouvoir citer par cœur
les titres  de tous les romans 
de Giono de Kerouac  ou de murakami
mais je ne  reconnais à coup sur
que peu  d’arbres
parfois cela  me navre vraiment
      mais je me  dis aussi que les romans
        de Giono de Kerouac  ou de Murakami
        sont comme  des forêts
        dont je  connais tous les arbres 
        et ça me  console un peu
      c’est ce  qu’on appelle
  « faire  feu de tout bois » 
      non ?
       
       
       
      on saute
d’un jour  l’autre
comme jadis  nos ancêtres
primates  arboricoles
de branches  en branches
dans les  jongles primitives
      la peur aux  fesses
        ou en quête  de pitance 
        ou « la  banane comme un canon »
        comme  chantait Higelin ?
       
      
       
       
       
      aux branches
        de quel  arbre à souhaits
        suspendre un  ruban de tissu
        ou une  paperolle
        propitiatoire ?
      au pied 
        de quel  arbre sacré
        t’asseoir
        en attente  d’un éveil ? 
      oh  vieux barbu
        cesse donc  de rêvasser
        et fais  gaffe 
  à bien  lancer ta ligne
        pile poil  sous les branches basses
        du saule de  la rive d’en face
        sans  t’accrocher dedans
  ça ferait  marrer la grosse carpe
        qui bulle  juste en dessous
       
       
       
      à  Marie-Florence E. 
        
      promis juré jamais
        tu ne l’abattras 
        le vieux pommier mort 
        celui là oui  dans le coin du jardin
        au tronc tors et moussu
        et si tant penché vers la terre
        qu’on dirait une petite mémé toute bossue
        clopinant précautionneusement 
        pour aller se faire faire une permanente
        chez «  les ciseaux d’amandine »  sa coiffeuse au village 
        
        et pourtant tu n’aimais pas 
        ses pommes 
        même en compote
      
  
       
      talus  punk
l’employé  communal
lui a tondu  à ras les tempes
ne lui  laissant qu’une iroquoise hirsute
de hautes  graminées
      mais le  petit  vent d’ouest 
        ne souffle  pas  « no future » 
   dans les branches des arbres alentours
       
       
       
      un arbre  vous a-t-il déjà paru antipathique ?
ou  agaçant ?
repoussant ?
      avez-vous  déjà eu peur d’un arbre ?
  été effrayé  par son ombre ?
        ou la  disposition malsaine de ses branches ?
      avez-vous  déjà aimé un arbre ?
        dit des mots  doux à un arbres ?
        caressé  tendrement son écorce ?
      pensez-vous  qu’un arbre pense ?
        se souvienne  de votre passage  ? 
        vous parle  en langage d’arbre ?
      avez-vous  déjà rêvé d’un arbre ?
  était-ce un  beau rêve ou un cauchemar 
        quand vous  vous êtes-vous réveillé ?
       
       
      
       
       
       
      je ne  surtout « randonne » pas
        ni même  « marche »
        juste me  promène matutinalement
   de saison en saison 
        sur quelques  chemins et sentiers 
        de mes  immédiats alentours
        sans  accessoires homologués 
      j’ai des  amis fidèles 
        je pense à  deux gros chênes
        dont je  tairai les noms que je leur ai donnés
        qui se  paieraient franchement de ma gueule
        lors de ma  longue promenade matinale
        de saison en  saison
        s’ils me  voyaient passer
   de pied en cap
        décathloné
        et  penseraient que je veux me « reconnecter »
  à « la  Nature »
        avec deux bâtons  de marche
  Distance Carbon Z – Black  Diamond.
      on ne doit  pas décevoir un vieil arbre
        même  goguenard 
              
        
      