EMMANUELLE PAGANO
Les adolescents troglodytes
La nature c'est comme le reste, c'est pas plus beau ni plus pur qu'une ville, que les zones commerciales ou les zones industrielles, que les éoliennes hautes et arrogantes au-dessus des épicéas. Des fois même la nature elle est comme ça énervante et neurasthénique, à l'automne si moche et sale, boueuse et collante au printemps quand la neige poisse, arrogante avec le soleil intact de l'hiver, et ridicule si verte l'été. Pénible, ennuyeuse, comme tout le reste. Si pourtant le plateau me vient souvent autour de moi si beau, c'est juste parce que j'y vis. C'est bête, mais magnifique est l'endroit où on vit, ça dépend de comment on se lève, comment on regarde au-dehors, ça dépend de si on regarde. Il y a des jours, des matins ou des nuits, où le temps dans le paysage, où l'air dans les arbres est exactement, presque trivialement, en accord avec le temps dans notre corps, l'air dans notre humeur, on est maussade et dehors aussi, l'humidité se palpe de partout, de nous jusqu'aussi loin là-bas, où ne voient pas nos yeux, puisque le crachin nous interdit de voir. Il nous surprend jusque dans la cuisine, et on s'y attendait tellement. Que la pluie soit froide dans le cou ça ne nous enlève pas l'envie de pleurer, mais ça nous rend la dépression presque belle.