JEAN-JACQUES DORIO
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SOUTINE

Du petit matin

Quand il fait encore

Tout noir

Dans la bouche du métro

Et des dessins

De Soutine

Collés sur un mur

Suant Madame la Misère

Et pourtant

Cent ans après

C’est l’grand Art

Des écorchés vifs

Faut qu’ça saigne !


LA RECHERCHE DE L'ABSOLU EN L'AN 40

 

Avec cette grande roue légère
qui fait marcher les arbres
en hiver
Le soleil banal jaune d'œuf
cuit à l'horizon
Et la recherche de l'absolu
dans tout ça ?
C'est la craie de la colombe
qui fuit loin des musées.

 

Magritte
La recherche de l'absolu
huile sur toile 60x73cm
1940


Bouquet de pivoines dans un pot vert, Paul Cézanne

BOUQUET DE PIVOINES DANS UN POT VERT

Face à ce qui se dérobe*
- paroles qui volent, esprit souffrant dépaysé -
un tableau avec thème et chevalet
planté face au défi :
Bouquet de pivoines dans un pot vert.

Rien de donné pour l'Inventif
Dont chaque touche appelle l'autre,
Tout en créant à petits coups
Sa poétique de l'espace.

Dans la solitude et la disgrâce
des critiques du grand art
et de l'Opinion, dont il n'a cure,
Cézanne rompt les codes admis.

Pot vert planté mais sectionné
D'où s'envolent quelques signes
Comme des feuilles futures
de maître Zao Wou-Ki.

Pivoines rares
qui donnent le tournis
entre matière et espace aéré.

Toile inachevée
Insaisissable et vitale
De quel amour blessée ?**

 

* Michaux ** Racine et Alain Borer


TURNER NOIR

 

Ce lundi 27 octobre MMXIV
Un soir d’automne dans mon village natal
Où l’air est bleu comme une orange sanguine
Je regarde un Turner noir
Projetant les brouillards la suie le charbon
de sa chère Tamise
Asphyxiant un jour le bétail des foires
Et pouvant faire périr d’inanité pulmonaire
Plus de cinq cents londoniens certaines semaines.

Mais pour Turner c’était la poésie de la pollution,
Le soir de demi-brume à Londres
Qui ouvre la chanson du mal-aimé,
Les navires fantômes
Et les cheminées crachant le feu sur
La Tamise en amont de Waterloo bridge.

La Tamise en amont du Waterloo bridge, Turner



Le violoniste bleu, Marc Chagall

AVEC CHAGALL TOUJOURS REVIS

Je ne fais pas dans la dentelle
Mais dans le déluge des idylles
Et des drames de nos vies.
Chacun porte en lui son bestiaire,
Ses fleurs noires et ses polyphonies.

Mais aussi, mais quand même,
Ses soleils fusionnels et ses béatitudes :
Village en fête, couple blanc d’amoureux,
Flûte de clown et violoneux.

Mais aussi, mais quand même,
Quand la fête est finie,
Chagall est là, infatigable Phénix.



Miró tend ses ficelles
Sa tête est dans l'azur
Des grandes toiles bleues

Faire et parfaire ce fond
Comme un rite sacré
Le combat d'un archer
du Japon ou de Chine

Et puis attendre méditer sans objet
Avant le jeu des taches
- noire, orangée...aveugle -

Ficelle est à présent
Pure vision Corde imaginaire
Archet sensible à la lumière
Du Monde
Dans le vide infini

 

JJD
10 mars 2013

 

Joan Miró
triptyque : Bleu I, II et III.
chaque volet 270x355cm


LES MUSICIENS DE TOUBON

 

Que font-ils tous ces musicos de fortune portant leurs grandes caisses à cordes dans les champs d'alouettes et de graines de tournesol ?

Ils avancent sous le ciel électrique, menacés par les terribles hérauts noirs, qui veulent rendre impossible toute musique.

L'archet sur l'arche de Noé, sur les doigts qui font danser les grislis et la voix de Colette Magny :

- Dis Melocoton tu crois qu'ils nous aiment ?

  • Ma petite Boule d'Or, j'en sais rien

Viens donne-moi la main...

 


Les musiciens. Guy Toubon

PETITES FLEURS

Jazz croisé d'aplats lissés au couteau
Un hommage à Bechet
Sur fond de cyprès rouges
L'air jaune enveloppe la caisse de la contre-basse
Clarinette et sax soprano sont des obliques qui vibrent
Le pianiste s'appelle Franz Schubert
mort à Vienne un 19 novembre

Quelle histoire la peinture
qui se veut musique
et qui passe par la métamorphose des mots
sans fin

Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet
Huile sur toile 161,9x114,2 cm 1953
Nicolas de Staël


JARDIN ÉTRANGE DE KLEE

 

Au vent discret léger
S'inventer un petit Klee
Seltsamer Garten
1923

Dans mon hamac et l'olivier
qui perd ses fleurs
31 mai 2010

Loin des poussières
des musées
je fais sonner
le clavecin de Klee

Mille masques
en ce petit carré
de 43x31 cm
exactement

Comme la magie de l'art
qui nous rend humble
souriant

en paix


SHI BU ZU  DAO

Je me perds dans les dessins
à dessein
Et d'abord en suivant
à la lettre
ceux des calligraphes chinois
- cette nuit -
Zhu Yunming 1460 - 1526
qui eut une vie inexemplaire :
trop d'alcool trop de femmes trop de jeux
cigarettes whyskies et petites pépées
Mais il y avait la cursive
qui devint peu à peu le seul plaisir assumé
l'esprit du pinceau
le geste de l'art violent et maîtrisé
sans illusion ni attachement

Et maintenant à mon pilot !
blanc sur noir
Shi bu zu dao :
ce poème ne mérite pas
qu'on en parle


ÉCHOS DE ZAO 

Dans mon hamac
au vent de juin
Je me réveille
un album de Zao Wou-Ki
ouvert sur mon corps

Sur le papier
C'est une lutte
Entre le noir
Et le vélin

Nul abstrait
Mais le soma
et le germen

Chaque geste
Griffant les pages
De l'arbre de vie

Racines au ciel
Nous délivrent
Des livres

Et maintenant
Je vais vous laisser
À vous de poursuivre

Le temps des créations
est long
La vie est courte


L'HOMME À LA GUITARE

 

 

Avec de la sciure de bois
et des harmonies
de brun d'ocre et de gris
George Braque
a recollé les bras épars
d'une guitare
Pour la tête d'un homme
où logent les accords
de Segovia
ou de Narcisse Yepes

Plaqué contre-plaqué
Avec une petite brosse
pour nettoyer le tout
Et le tour est joué


L'ESPRIT PALOMAR

Les traces :
vertèbres
& leçons de ténèbres

Éclairs des acryliques
pigments qui sont la mue
des gestes
du sang d'encre
fissures et vibrations

Que deviendront les écorces
de mes autoportraits ?
Et comment se frayer une issue
dans cette toile
qui relie la main l'ongle
l'outil ?

Ceci n'est pas la Monta
la montagne de sable et d'émeraude
le geste dernier
d'un guerrier
abandonnant ses armes

C'est une pierre noire
Ce sont des livres bleus
Ouverts sur l'œil des mots

Traces
et leçons de merveilles
Ceci est un commencement
qui n'en finit pas...

 jj dorio

 Éric PALOMAR expose à l'Aigalier
 « Les Martigues »

15 02 2012


René Magritte
Querelle des Universaux 1928
Huile sur toile 53,5 x 72,5 cm
Centre Pompidou


 QUERELLE DES MOTS ET DES CHOSES

 

Parfois le nom d'un objet tient lieu d'une image.
René Magritte

 

FEUILLAGE
c'est une pierre noire
qui ne donne pas de leçons

CHEVAL
c'est une pierre noire (dressée)
qui bat de l'aile

MIROIR
c'est une pierre noire
qui a une pléthore d'amoureux

CANON
c'est une pierre noire
enveloppée de vierge papier

UNE ÉTOILE
aux cinq branches
fait la navette , la synthèse,
le point de fuite
de cette
Querelle des Universaux

 


René Chabrière

sur un coin de table la grande bleue

sur l'aire des poudroiements

quand se déploie la liberté

d'interpréter le monde

tel jour telle heure en telle année

 

la fenêtre s'ouvre sur nos voyages secrets
ceci cela en somme qui nous tient éveillés

flux et reflux matières manières
de laisser la mer nous imaginer :

sans pensées et sans paroles
nous aurons été en cet instant unique
ce petit carré d'ocre et de bleu...

et pour l'éternité



 

POÈME PICTURAL

 

LE JOURNAL

LE JOUR NA

DJA

petites énigmes des rencontres fortuites

sur le clavier affectif des impératifs non-littéraires

 

LE JOUR D'AVANT

papier collé paupières closes

font pendant au moulin à broyer du noir

avec ces indispensables blancs

sous les pavés des pages

 

LE JOUR D'APRÈS

la guitare a enfanté cette vue sur la baie

et cette hésitation :

est-ce un doigt, un nuage,

ou bien la tranche d'un livre entr'ouvert sur l'insaisissable ?

 

D'UN CHAMP À L'AUTRE

le jour disparaît

pipe noire d'où sort un fil de fer tordu

un trait d'encre soulignant

la césure du siècle :

page d'un poème

où chaque mot est systématiquement rayé


 

LE VIOLON DE JUAN GRIS (1916)

 

  Je ne sais rien des violons de l'âme et des guitares endormies, mais lettres après lettres, je figure la fuite du temps et reconnais l'humeur des hommes en détresse.

   C'était la guerre de 14  18. Il fallait bien, en attendant que le sang arrête d'irriguer la cruauté inhumaine, témoigner de la vigueur des natures mortes.

   Rigueur, autre que cadavérique, couleurs, rythmes et manières de faire respirer le violon et l'archet, la partition et la table des matières de l'art pictural nouveau.

   Maintenir l'exigence de l'imagination créatrice sous l'éclairage d'une expérience intérieure, dans le soleil plissé du rire des abeilles.*

 

 

* Pierre Reverdy 


 

ACROSTICHE GRIS

J eux de miroirs

U n violon Un couteau Un encrier

A vec LE LIVRE souverain

N ouant le présent au passé

 

G uitare marron olive

R eprésenter le monde

I maginer ses métaphores vives

S aisir sous la moindre forme SA POÉSIE


 

VERTICALES D’ÉTERNITÉ

pour et avec Beaumont-Le-Sculpteur 

 

Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels.

                                               Baruch Spinoza

 

Cent

Paroles

C'est un rôle

Sans acteurs

Sans facteur Cheval

Qui échangeait ses lettres

Contre des pierres bises dressées

Sur cet espace qu'il faut réinventer

Avec cent coups de rêves bruts intuitifs préhistoriques

Aimantés du cosmos personnel universel en expansion

Tellurisme chnotien sur le roc à gaillet à silence de gneiss et de métamorphoses Avant que les corbeaux du CRAC -centre régional art contemporain- N'abattent leurs ailes noires prétentieuses vides de tout signe qui fait sens

Inévitablement seuls ceux qui voient l'invisible intérieur

Après longue patience silence minérale absence de geste prémonitoire

Mais présence immanente innocence essentielle 

Affirmation d'une existence programmée par  Soi

(le-même -comme-un-autre)

Cent paroles sans et avec met'hodos : la voie intermédiaire le chemin la catharsis la purification le détachement

le génie propre sur sa lande où poèmes sculptures air et songes touchent le chaos buissonnier taillant

ces cent paroles

flamme sablier

verticales

d'éternité

...


La vierge noire de Beaumont
est blanche.
Elle a poussé
sur la roche des cystes
et des passeurs d'âmes.

Vierge des alchimies
et des atomes d'Épicure
qui créent ce monde oblique,
barque dressée sur l'éternel.

 

L'air danse autour des mains
qui sculptent ces pierres de flamme
dans l'espace cosmique.

Et nous nous agrippons
à cette clarté fragile
dans l'au-delà des saisons
et des jours.


"...Former l'alexandrin comme une idée de l'homme.
C'est l'été, le Léthé traverse les enfers.
Les statues de Beaumont nous font les grands yeux..." .JJ Dorio

Laurent Beaumont


A Claude Brugeilles

SARMENT SERMENT MYTHE ET RÉALITÉ

Voulant connaître
quelles fibres et quels vaisseaux
transportent ma sève élaborée
je fais des arbres

Ils ont mille ans
et le récit des grands mythes
que je fus

Ils ont aussi
mon âge de vivant
qui jusqu'au bout s'accroche
au bâton et au thyrse


ENFANTS DES LISIÈRES


dansant autour des bois
sauts et ressauts des sèves joyeuses
et de l'œil émerveillé des mots


    LE SOUFFLE DE L'ARGILE

 

Cette lampe que l'on maintient
d'argile de bois et d'humanité
Sur papier-païs toiles peintes poèmes
et figures sculptées
montant jusqu'à la lune verte
et qui ressortent des forêts

À l'écart des faux problèmes
et des vaines subtilités

L'homme est d'argile
et que souffle la beauté!


 

MARGUERITE NADAL




            LA JOIE DE VIVRE

 

Je lis Brassaï conversant avec Picasso
un livre traversé de poètes peintres et curieux
qui approchèrent le Minotaure
durant la guerre puis à la Libération

Tous sont partis maintenant
au pays d’où l’on ne revient pas
Tous ont vécu leurs amours
 leurs drames et leurs caprices

& la Joie de Vivre
petits faunes et  bacchantes
cabrioles et  chevreaux

Et le ventre rebondi de la jeune égérie
qui guida la main et l’œil du démiurge
pour cette fresque murale
du château Grimaldi d' Antibes

La Joie de Vivre
Un don - non des dieux -
Mais de cet heureux mortel
 Qui signait



LE POÈTE DE CHAGALL

                        
Le poète de Chagall
a la tête à l’envers
Elle est verte
et le crâne est posé
sur une tasse de café
ouverte comme un cou coupé
                 
Le poète de Chagall
travaille en bleu
son long stylo
posé sur un carnet
de sang et d’encre
distrait par un chat
diable d’oreilles
et qui lui tire
sa langue de patapon
de patagon de christ
de toutes les Russies
     
La bouteille d’absinthe
vacille penchée
abritant l’œil verlainien
La table est rouge
avec un couteau
qui a fendu la vie
comme une pêche
     
C’est du moins
Ce que disait
Son ami Cendrars
Dans ses poèmes élastiques
C’est du moins
Ce que faisait Marc Chagall
Envoyant en l’air
 Les objets naturels
Les vaches à l’ombrelle
Et les mariées…

Et vive la Liberté!


DANS LE SECRET DES YEUX

  Pour Patron

La peinture ne célèbre jamais d'autre énigme
                                          que celle de la visibilité.
MauriceMerleau-Ponty

           
                                              Coquille et coquillages
                                              Un jeté sur la page
                                              Sur la plage où la gouache
                                              Fait de l'ocre son patron

                                              La mer est sur la terre
                                              L'amour est sur la toile
                                              La palette nous rappelle
                                              L'esprit de la matière
                                  
                                              Pour le secret des yeux                         

  
                                               


la coque noire

Guy Toubon

 IL N'Y NA PAS DE MOTS POUR LA PEINTURE
pour Guy TOUBON

Il n'y a pas de mots pour la peinture
Il y a le concert dans le champ
des couleurs qui s'irisent

Il y a un port vêtu
de grandes coques noires
et de probité candide

Il y a un port et ses navires
au tranchant de la brosse
dans les bouteilles d'encre
des porte-conteneurs

Il y a ce paysage sans cesse visité
dont il ne faut pas faire
une montagne
mais lumières de pourpre
d'or et de mystère

Mon beau navire
Ô ma mémoire avons-nous assez navigué
avons-nous assez divagué*

sur cette toile présente
où toute réalité se dissout...

et nous invite à Renaissances !

jjdorio

* APOLLINAIRE


Jacques Hérold. Je t'raime
1936, huile sur toile

             Je t'raime                  

Je traîne je t’raime je tramway dans la tête de mon pot’ le gitan

Je te cadavre exquis de mon frère l’écorché l’étranger le pendu

Je te coupe les cartes et les descartes du grand livre de la vie et de la mort

   qui se regardent en chien d’écriture de la pensée qui vient et va

           et nous transforment en rêves de cristal et de fumée

                                qui traînent…


Poème trouvé sur un quai des Martigues
    Je n’ai pas la force de parachever mes tableaux

Nicolas de Staël ( Antibes 16 mars 1955 )

 

Ce dimanche de septembre
masques et bergamasques
en tenues chamarrées
volettent sur le quai

 Les Martigues
une toile de Staël
et ce matin aussi
de l’autre côté du chenal
trois mouettes qui viennent
vont tombent
et se reprennent

Mais ici
point de rempart d’Antibes
et de maison de peintre
en aplomb
des Grands Quais…

Nicolas de Staël
Les Martigues




Un tableau doit être comme des étincelles. Il faut qu'il éblouisse comme la beauté d'une femme ou d'un poème.
Il faut qu'il ait un rayonnement, qu'il soit comme ces pierres dont les bergers pyrénéens se servent pour allumer leur pipe...
[...] L'art peut mourir, ce qui compte c'est qu'il ait répandu des germes sur la terre.

                                 Joan Miró  ( "Je travaille comme un jardinier")


Plusieurs ouvrages attestent que Miró fit une série de 23 Constellations qu’il dota d’un titre ( du 21 janvier 1940 Varengeville -le lever du soleil - au 12 septembre 1941 Isla de Mayorca - le passage de l’oiseau divin ).

Il travailla sur des feuilles du même format (46×38 cm) préparées à l’essence peintes à la gouache, qu’il put rouler pour les premières quand il partit de Paris, 7 jours avant l’invasion des Allemands, pour l’Espagne sur l’insistance de sa femme Pilar, native des Baléares, voyageant avec leur fille unique María Dolors née en 1930.

Ils franchirent avec angoisse la frontière franco-espagnole (sans jeu de mots) et parvinrent à Palma où Miró se réfugia dans cette oeuvre picturale et musicale majeure.

Quand bien plus tard en 1958, André Breton écrivit Constellations, il n’eut à sa disposition que 22 gouaches. Miró a raconté l’anecdote de la 23ème absente pour une lumineuse histoire…d’adultère. Vous la découvrirez si vous lisez les entretiens de l’artiste catalan, pleins de verve et de malice avec Georges Raillard ( Ceci est la couleur de mes rêves) p 92.

Et maintenant, lecteurs de bonne volonté, patience dans le cosmos; n'oubliez pas que " ces figures sensibles, reliées très haut à nous et dont l'éclat soudain va conjurer le vent déchirant de la nuit noire, ce sont nos propres constellations." (A Breton)



Miro, Constellation 1
Le lever du soleil

LE LEVER

LE LEVER DU SOLEIL
Soleil noir soleil bleu souleil
Souleil sol cadente cadence danse
Danse du premier rayon pour la douceur du coeur
Du coeur de l'alouette pour apprendre aux cinq sens à aimer le soleil
Le soleil de la terre et le soleil du ciel
Du ciel de ta peau de ton nez et de tes oreilles
Oreilles signes ascendants à goût de miel et de myrtilles
Myrtilles Miró buissons rouges buissons blancs cherchant l'étoile polaire avec la croix du sud
Sud ardent du peintre du sculpteur du lithographe du céramiste constellé qui file bon train
le lever du soleil


L'ÉCHELLE

L'ÉCHELLE DE L'ÉVASION
L'évasion du condamné Joan Miró matricule 22+1 constellations
Constellations cum stella l'échelle de l'étoile
L'étoile stimulée de graphies hérétiques
Hérétiques éréthisme érotisme du cosmos
Cosmos qui bat des cils des points des araignées érectiles et des vers luisants
Vers luisants de l'écriture
L'écriture de l'art de vivre et de mourir spectaculairement
Spectacle que nous apprennent quelques années lumière après ces feux violents du ciel
Du ciel et des grands arbres que l'on abat pour en faire
l'échelle de l'évasion

Miro, Constellation 2
L'échelle de l'évasion


Miro, Constellation 3
Personnages dans la nuit guidés par les traces phosphorescentes des escargots


DES ESCARGOTS

PERSONNAGES DANS LA NUIT GUIDÉS PAR LES TRACES PHOSPHORESCENTES DES ESCARGOTS
Des escargots illuminés par le round midnight de maître Monk
Maître Monk dans la mémoire d'un piano que guident deux colombes dans la nuit
Deux colombes dans la nuit et la danse de leurs ailes
Leurs ailes déchirées par le doux assassin de la peinture académique
La peinture académique qui ne connaît pas l 'électricité
L'électricité juste des vagues et des brins d'herbe sous la lune
La lune blanche découpée comme un quartier de mandarine
Mandarine mandarin Quoi qu'a dit A dit rin
Rin et Nada
Nada qui nage dans la tête
Ce bien beau pays où logent
Ces personnages dans la nuit guidés par les traces phosphorescentes des escargots
De maître Joan Miró



FEMMES

FEMMES SUR LA PLAGE
la plage de la page
la page sur la paille
la paille des pavés
des pavés d’Utopie
d’Utopie de 68
68 qui s’en va du chapeau
du chapeau de Miró
Miró à l’index et au doigt plein de noir
noir cosmique trou de science
science et conscience des méditations chromatiques
chromatiques couleurs des corps des femmes dièses et musiques
musiques des sphères nature culture mimésis écart
écart Écarte-toi de mon soleil!
soleil spectacle seins chevelures noces
femmes sur la plage

Miro, Constellation 4
Femmes sur la plage


Miro, Constellation 5
Femme à la blonde aisselle coiffant sa chevelure à la lueur des étoiles

LA BLONDE AISSELLE

FEMME À LA BLONDE AISSELLE COIFFANT SA CHEVELURE À LA LUEUR DES ÉTOILES
des étoiles des toiles des holothuries et des signes humains
des signes humains à la merci de l'art
de l'art bien compris d'imiter le cosmos en le poussant un peu de côté
du côté de chez Miró
Miró coiffant le ciel des nymphes des limbes du système lymphatique
Lymphatique assis réfléchissant à la prochaine chevelure d'étoile
Étoile se réincarnant ressuscitant le luth constellé
le luth constellé la viole de gambe la mosquée dans la gare
La gare des anguilles et des tresses de ma femme à la chevelure d'amiante
Amiante amante aimante sensuelle qui ruisselle à la lueur de l'étoile
coiffant sa chevelure femme à la blonde aisselle


L'ETOILE

L’ÉTOILE MATINALE
matinale fractale
fractale fraction fracture
fracture facture
facture du facteur Miró
Miró à cheval sur l’étoile matinale
L’étoile matinale qui babille et habille le premier clown qui passe
Clown qui passe dans le cercle des métamorphoses
Métamorphoses de la fanfare stellaire
Stellaire telle l’aire de l’autre blé à l’aube
à l’aube imagière qui nous fait ses beaux yeux
Ses beaux yeux Ses doux yeux Ses fleurs d’yeux
D’yeux seigneurs de poésie
Poésie poésie poésie
l’étoile matinale

Miro, Constellation 6
L'étoile matinale


Miro, Constellation 7
Personnage blessé

PERSONNAGE

PERSONNAGE BLESSÉ
blessé au front bandé
bandé d’incertitudes
et qui attend que la guerre et le sang passent à l’as
L’as de l’enfance
L’enfance de l’Art
l’art martelé troué de fables d’argile et d’oiseaux
Oiseaux du sens quand les paroles blessent les jeunes enfants
Les jeunes enfants de vingt ans morts à la guerre
À la guerre comme à la paix
La paix des pages
des pages que l’on roule dans du papier d’essence et de constellations
Constellations de Varengeville
Varengeville 1940 où l’on croit éviter la guerre en commençant le 21 janvier - avant que les têtes ne roulent dans la sciure - la série mirifique
La série mirófique des Constellations achevées le 12 septembre 1941 dans la grande île des Baléares
Des Baléares Des sept couleurs et des doigts - faut-il l’écrire? - débordant de joie
La joie des pierres des oiseaux et des décombres de la guerre
jetés dans la mer
la mer de sang et de haine
personnage blessé


FEMMOISEAU

FEMME ET OISEAU
Oiseau des roseaux
Roseaux insensés qui mettent le feu à l’imagination
L’imagination qui sait si bien nous voler notre mort
Notre mort tournesol et pain dur du chemin
Chemin camino cheminer chemineau cheminée
Cheminée de mon petit village
Mon petit village qui s’envole dans l’espace de l’après-guerre
L’après-guerre l’avant-guerre quand donc sous le pont de Miró finira la semaine
la semaison où l’on se glisse avec le geste auguste du scribe et du faucheur de constellations
qui jettent les graines qui croisent les signes:
femme et oiseau


Miro, Constellation 8
Femme et oiseaux


Miro, Constellation 9
Femme dans la nuit

FEMME DANS LA NUIT

FEMME DANS LA NUIT
La nuit captive de dieu et de Sainte Thérèse d’Avila
D’Avila où les tours sont des aigles
Des aigles qui ignorent les petits oiseaux
Petits oiseaux des goélettes et des goélands
Goélands qui goilent dans les îles
Les îles et leurs archipels de bateaux-mouche et de Baléares
Baléares où Miró se fit démiurge des Constellations
Constellations de rythme et de l’articulation silencieuse
L’articulation du dire et du faire
Faire cette alchimie des femmes et de la nuit
et laisser dire…femme dans la nuit


DANSEUSACROBATES

DANSEUSES ACROBATES
Acrobates ô ma frégate
Ô ma frégate à livre ouvert
À livre ouvert sur tes voyelles
Tes voyelles qui font feu de tout bois et de toute marche
Toute marche de jazz messinger messager de tortues et de papillons
Papillons des buissons et des haies
Des haies d’enfant sauvage la bouche noire de myrtilles
Myrtilles de nos nymphes à la fontaine Bellerie
Bellerie et belleza et bélier du sourcelet
où l’ardeur poétique et jazarde
fait trépigner nos
danseuses acrobates

Miro, Constellation 10
Danseuses acrobates


Miro, Constellation 11
Le chant du rossignol à minuit et la pluie matinale

LE ROSSIGNOL A MINUIT

LE CHANT DU ROSSIGNOL À MINUIT ET LA PLUIE MATINALE
La pluie matinale noyant le chant du rossignol
Le chant du rossignol sur le jardin des troubadours inventant la poésie
La poésie qu’il ne faut pas confondre avec la réflexion sur la poésie
La poésie qui ne confond pas les grillons aveugles de la nuit avec les grilles du linguiste
Le linguiste cuistre qui veut tenir la langue par tous ses bouts
Ces bouts de réalité qui ouvrent leur bec de shadok sur la misère du monde
Le monde qui nous entoure nous encercle et voudrait nous enterrer
Nous enterrer prématurément dans une invocation du culte des morts
Les morts qui brûlent interminablement dans les livres les temples et les camps
Les camps où les résistants gardaient leur part d’humanité en récitant les poètes
Les poètes Ô Mort vieux capitaine Qui sont les plus aptes à décliner déplorer louer chanter métamorphoser le temps et ses misères et ses minutes d'éternité
Le temps du chant du rossignol
 à minuit sur la pluie matinale


LE 24 MARS JE SUIS DESCENDU DE L'ECHELLE DU FIRMAMENT
A ma maman

LE 13 L’ÉCHELLE A FRÔLÉ LE FIRMAMENT
le firmament attrapé par les cils les points noirs et les araignées orangées
Les araignées orangées bleues comme cette échelle
Cette échelle du 13 Cette bouche sans dents
Cette bouche sans dents où sombrent les vaisseaux
Les vaisseaux envasés avec leurs becs d’amphores
Amphores broches d’or métaphores
Métaphores derniers poèmes égarés
Poèmes égarés à Venise l’indécise
L’indécise échelle où le précis se joint
Le 13 l’échelle a frôlé le firmament

Miro, Constellation 12
Le 13 l'échelle a frôlé le firmament


Miro, Constellation 13
La poétesse

LA POETESSE

LA POÉTESSE
La poétesse la négresse
La négresse comme le flamant rose
Le flamant rose de son sexe
Son sexe de l’union libre
L’union libre du brasier de l’ornithorynque
L’ornithorynque de tes reins
Tes reins d’argile et de statue de sel
Sel de la vie Celle qui poursuit son vers
Son vers qui peint l’obsession
L’obsession du cri noir de la mer
La mer que rien n’épouse
Épouse de la terre de l’air et du feu
La poétesse


LE REVEIL

LE RÉVEIL AU PETIT JOUR
Au petit jour des amours
Des amours où l’oeil palpite d’un éclair coulant des yeux
Des yeux de côté de profil et de face
Face au ciel qui se fend
Qui se fend d’étoiles d’oiseaux de seins et de bonds
Bonds formidables sur l’écran convulsif
Convulsivement qui arrache marines sous la lune
La lune en deuil
En deuil de la nuit qui maintenant ouvre
le réveil au petit jour

Miro, Constellation 14
Le réveil au petit jour


Miro, Constellation 15
Vers l'arc-en-ciel

L'ARC-EN-CIEL

VERS L’ARC-EN-CIEL
Vers l’arc-en-ciel de la terre
La terre ce rêve familier
Ce rêve familier étrange envoûtant
Envoûtant Verlaine et les femmes inconnues
Les femmes inconnues qui hantent les Constellations
Les Constellations que l’on aime et comprend
si l’on admet que ce ne sont jamais les mêmes
ni tout à fait les autres.
Les autres terres arc-en-ciel
Arc-en-ciel où Marelle se joue au paradis
Au paradis d’enfance où l’on pousse le palet
Vers l’arc-en-ciel


FEMMES ENCERCLEES

FEMMES ENCERCLÉES PAR LE VOL D’UN OISEAU
Le vol d’un oiseau qui monte d’un livre ivre d’éternité
Éternité des chants canciones cantates et cantilènes
Cantilènes des rois des reines et des voiles lointaines
Voiles lointaines encerclant les vergers insulaires et les chemins insolites des Constellations
Constellations normandes conçues à Varengeville et roulant d’archipels en archipiélagos jusqu’à la catedral de Mayorca
La cathédrale de Majorque désormais couronnée par les mains de Miró
Les mains de Miró et le choeur de ces
femmes encerclées par le vol d’un oiseau

Miro, Constellation 16
Femmes encerclées par le vol d'un oiseau


Miro, Constellation 17
Femmes au bord du lac à la surface irisée par le passage d'un cygne

CYGNE IRISE

FEMMES AU BORD D’UN LAC À LA SURFACE IRISÉE PAR LE PASSAGE D’UN CYGNE
Un cygne un blanc bouquet qui souffle sur ses voyelles de quartz et d’arc-en-ciel
Arc-en-ciel qui passe sur les lèvres des vivants où sont nos trépassés
Trépassés du détroit de la baie du suprême passage
Passage en l’oubliance ou en la chanson des Regrets et des Consolations
Consolations à Monsieur Joan Miró sur la perte des signes et des Constellations
Constellations au bord d’un lac où l’on célèbre les femmes et leur secret fidèle
Leur secret fidèle la liberté des ailes d’une fleur de folie qui tombe en s’élevant
En s’élevant en soulevant ces
femmes au bord d’un lac à la surface irisée par le passage d’un cygne


L'OISEAU MIGRATEUR

L’OISEAU MIGRATEUR
s’essuie au triangle
des Constellations
Les Constellations dont soudain le système s’égare sans défense contre la grippe espagnole
La grippe espagnole qui confondit amor avec la mort
La mort du poète au front bandé et au cent mille verges
Les verges qui fouettent en vain les microbes et les robes de l’éternité
L’éternité qui s’étrangle de rire pour quelques gouttes de voie lactée
La voie lactée qui vire au noir quand passent les triangles de
l’oiseau migrateur

Miro, Constellation 18
L'oiseau migrateur 


Miro, Constellation 19
Chiffres et constellations amoureux d'une femme

CHIFFRES AMOUREUX

CHIFFRES ET CONSTELLATIONS AMOUREUX D’UNE FEMME
Une femme ou deux éclairant le gloria des nuits
Les nuits amoureuses sur le luth constellé
Luth constellé égrenant ses chiffres
Les chiffres de la clé qui ouvre le paradis
Le paradis qui n’existe pas qui n’existe plus
qui n’existe que l’espace d’une vie
Une vie d’escargot de vaches s’empoisonnant et d’enfants des écoles
Les écoles de la vie où les paroles se tissent sur les lèvres des vivants
chiffres et constellations amoureux d’une femme


LE COUPLE D'AMOUREUX

LE BEL OISEAU DÉCHIFFRANT L’UNIVERS AU COUPLE D’AMOUREUX
Le couple d’amoureux déchiffrant l’univers du Dieu des philosophes
Les philosophes se disputant la part de gâteau de Miró
Miró dessinant avec le plus grand soin les deux escargots allant à l’enterrement
L’enterrement du comte d’Orgasme et du Désir attrapé par la queue
La queue du Cosmos qui chasse les mouches de la bataille d’Hernani
La bataille d’Hernani qu’il ne faut pas confondre avec Roméo et Juliette
Roméo et Juliette ce couple hésitant entre les trilles du rossignol et le chant de l’alouette
Ces beaux oiseaux
déchiffrant l’inconnu au couple d’amoureux

Miro, Constellation 20
Le bel oiseau déchiffrant l'inconnu au couple d'amoureux


Miro, Constellation 21
Le crépuscule rose caresse les femmes et les oiseaux

LE CREPUSCULE AUX DOIGTS DE ROSE

LE CRÉPUSCULE ROSE CARESSE LES FEMMES ET LES OISEAUX
Les oiseaux sont des flammes qui raniment le printemps
Le printemps en hiver sous l’amandier sans fleurs
Cent fleurs et mille épines qui déchirent nos vies
Nos vies à l’eau de rose à l’eau de purin à l’eau de vie
L’eau de vie où la part des anges n’est pas faite pour les chiens
Les chiens qui lèchent nos arpèges et nos mains que caressent le concert des Constellations
quand le crépuscule est rose
et caresse d’un geste auroral
les femmes et les oiseaux


NUITS DE MIRO, PASSAGE DE L'OISEAU

LE PASSAGE DE L’OISEAU DIVIN
Divin contraste des couleurs pures
Pures de toutes explications intellectuelles
Intellectuelles Intellectuels qui se mêlent parfois de ce qui ne les regarde pas quand leur personnalité est arrêtée au stade enfantin
Enfantin ce sifflet de Majorque ce
siurell rehaussé de rouge et de vert
Vert que te quiero verde et que j’aime le Bird
ébouriffant de son saxo le poil fauve des nuits
Nuits de Miró le Magnétique le Magnifique enfant
qui trace émerveillé
le passage de l’oiseau divin

Miro, Constellation 22
Le passage de l'oiseau divin


                     

LE 23 A ÔTE l'ECHELLE DES CONSTELLATIONS

à María- D* 

La vingt troisième constellation ou la Constellation zéro

   Zéro le chiffre du vide et des zozos

   Des zozos des zoiseaux zig zag temps zéro

   Zéro pour commencer et zéro pour finir

              Finir en beauté

La beauté du grand tour que chacun solit-d’-aire

         va traçant dans le ciel de sa vie

   Sa vie Une vie à l’étoile filante

   Filante et cousue main de hasards en désirs

Et maintenant Miró ton dernier souffle posé

Nous te disons ce qui commence

Nous te disons longtemps après

   avec la plus grande des reconnaissances…

ce commencement qui n’en finit pas