SANTIAGO GOMBOA
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2021

SANTIAGO GAMBOA
Colombian psycho
Traduction de l'espagnol (Colombie) de François Gaudry

"La nuit allait bientôt tomber, l'heure où l'on se sent plus vulnérable, où les douleurs s'avivent. Surtout à Bogota. La baisse de température affecte le moral, le désarroi s'approche: et ce terrible sentiment d'être orphelin."


 

SANTIAGO GAMBOA
Des hommes en noir
Traduction de l'espagnol (Colombie) de François Gaudry


"Je me souviens que j’ai pensé : ce putain de pays où j’ai eu le malheur de naître est une cour d’exécution, une salle de torture, une presse mécanique pour étriper paysans, Indiens, Métis et Noirs. C’est-à-dire les pauvres. Les riches, en revanche, sont des dieux parce que c’est comme ça. Ils héritent fortunes et patronymes et se foutent complètement du pays, qu’ils méprisent. Mais qu’est-ce qu’il y a derrière tous ces noms élégants ? Un arrière-grand-père voleur, un arrière-arrière-grand-père assassin. Des pilleurs de ressources et de terres. Alors je me suis dit : je vais leur faire goûter du plomb à tous ces fumiers, c’est la seule chose qu’ils craignent ou qu’ils respectent. La seule qu’ils comprennent. Du plomb comme s’il en pleuvait, pour qu’ils apprennent."

2019

2014

SANTIAGO GAMBOA
Une maison à Bogota
Traduction de l'espagnol (Colombie) de François Gaudry

"Les couleurs de certaines maisons étaient délavées par la pluie et la brume, d’autres étaient en ciment, en briques ou en contreplaqué. Des câbles sortaient de tous côtés, des poteaux, des étages, des nœuds de câbles poussiéreux d’où pendaient des chaussures trouées, des tee-shirts déchirés, des caleçons sales. Les rues n’étaient pas goudronnées mais en terre caillouteuse. Des groupes de jeunes passaient, mains dans les poches, capuche sur la tête. “Ils ne vont ni à l’école ni au travail, dit Henry, ils traînent, déambulent d’un endroit à l’autre.”

 "Nous habitions dans le quartier de Santa Ana, pas le Santa Ana d’en haut, où vivent les riches, mais entre la 7e et la 9e rues, à cette époque un mélange de classe moyenne en déclin et de “classe inférieure supérieure”, ce qui revient à dire : le condensé le plus pur d’arrivisme, de complexes et de ressentiment social. Je ne sais pas, je suis peut-être injuste, mais c’est le souvenir que j’en garde. Nous n’étions pas une famille heureuse et, comme dans le roman de Tolstoï, elle était malheureuse à sa façon, bien qu’en y repensant sa seule originalité tenait à la manière dont elle mettait en scène sa frustration et son ressentiment. C’est donc là que je suis né. Dans une maison d’un étage, vieille et laide comme toutes celles du quartier. Près d’un canal d’eaux noires."


SANTIAGO GAMBOA
Prières nocturnes
Traduction de l'espagnol (Colombie ) de François Gaudry

 "Nous habitions dans le quartier de Santa Ana, pas le Santa Ana d’en haut, où vivent les riches, mais entre la 7e et la 9e rues, à cette époque un mélange de classe moyenne en déclin et de “classe inférieure supérieure”, ce qui revient à dire : le condensé le plus pur d’arrivisme, de complexes et de ressentiment social. Je ne sais pas, je suis peut-être injuste, mais c’est le souvenir que j’en garde. Nous n’étions pas une famille heureuse et, comme dans le roman de Tolstoï, elle était malheureuse à sa façon, bien qu’en y repensant sa seule originalité tenait à la manière dont elle mettait en scène sa frustration et son ressentiment. C’est donc là que je suis né. Dans une maison d’un étage, vieille et laide comme toutes celles du quartier. Près d’un canal d’eaux noires."

"Je suis allé au parc, j’ai sauté de l’autre côté du canal et je me suis planté devant le mur. Je l’ai observé un instant, j’ai pris la bombe noire, je l’ai agitée et le son de la bille m’a fait frémir, donné le vertige. Alors j’ai tracé sur le mur une ligne droite d’environ quatre mètres, puis une deuxième, parallèle. Avec le jaune j’ai dessiné une grosse vague et avec le rouge j’ai rempli les vides qui ont ressemblé à de gros ventres. Je me suis reculé pour contempler l’ensemble. J’étais ému. Je suis revenu devant le mur et j’ai dessiné des pointes de flèches courbes et une ombre jaune, et les couleurs superposées ont produit des brillances étranges... "

2012


 "Ce qu’il y a, c’est que la Colombie est un pays jeune, très jeune, qui cherche encore son langage. Ce que tu vois en Europe, cette paix d’aujourd’hui, a coûté deux mille ans de guerre, de sang, de torture et de cruauté. Quand les nations d’Europe avaient l’âge de la Colombie, elles étaient ennemies et chaque fois qu’elles s’affrontaient, des fleuves de sang coulaient, des lagunes, des estuaires, des baies de sang. La dernière guerre européenne a fait cinquante-quatre millions de morts. Tu trouves que ce n’est pas violent ? Ne l’oublie jamais. Dans la seule prise de Berlin par les troupes russes, qui a duré deux semaines, il y a eu plus de morts qu’en un siècle de conflits en Colombie, alors ôte-toi cette idée de la tête, ce n’est pas un pays particulièrement violent. Mais il est d’une grande complexité, il a été brutalisé et, ce qui est pire, armé. Il possède des richesses, une situation géographique remarquable, et cela finit toujours par exploser. La violence fait partie de la culture, de l’histoire, de la vie des nations. De la violence naissent les sociétés et les périodes de paix, c’est comme ça depuis la nuit des temps, la Colombie est à mi-chemin de ce processus et je t’assure qu’elle va y arriver plus rapidement et avec moins de sang qu’en Europe."



2009

SANTIAGO GAMBOA
Nécropolis 1209
Traduction de l'espagnol (Colombie ) de François Gaudry

"Il y a des choses qu’on fait sans raison, ou pour des motifs les plus banals, répondis-je : aller se promener sur une avenue à l »heure des embouteillages et observer les gens dans les voitures. Se présenter en milieu d’après-midi au guichet d’un cinéma ou flâner dans une librairie et finir à une terrasse de café à observer ceux qui reviennent sur leurs pas, et se répéter : pourquoi je fais tout ça ? Pourquoi aujourd’hui j’ai marché jusqu’à une librairie, ou un cinéma, et arrivé à la porte j’ai décidé de ne pas entrer ? On fait parfois des choses qui n’ont pas de sens, ou en qui prennent un avec le temps, peut-être avec le désir souterrain et muet de changer de vie au dernier instant, quand tout paraît décidé, comme ces joueurs de roulette qui, une seconde avant l’arrêt des paris, déplacent nerveusement une pile de jetons d’un numéro vers un autre puis s’en mordent les doigts. On cherche quelque chose d’intense, ou à être autre, oui, être autre, la voilà ta réponse : j’écris pour être autre."


SANTIAGO GAMBOA
Le syndrome d'Ulysse
Traduction de l'espagnol (Colombie ) deClaude Bleton

"À l'époque, la vie ne me souriait pas vraiment. Elle me faisait même la grimace, presque un rictus. C'était au début des années 90. Je vivais à Paris, la ville des voluptés peuplée de gens prospères, ce qui n'était pas mon cas. Loin de là. Ceux qui étaient entrés par la porte de service, en enjambant les poubelles, avaient une vie pire que les insectes et les rats. Et comme rien, ou presque, n'était prévu pour nous, le plus clair de notre alimentation se réduisait à des envies absurdes. Nous commencions toutes nos phrases par: "Quand je serai..." Un Péruvien du restaurant universitaire avait déclaré : "Quand je serai riche, je ne vous adresserai plus jamais la parole."

2005


1997

SANTIAGO GAMBOA
Perdre est une question de méthode

Traduction de l'espagnol (Colombie ) de Anne-Marie Meunier

 

"J'ai perdu. J'ai toujours perdu. Ça ne m'irrite pas, ça ne m'inquiète pas. Perdre n'est qu'une question de méthode."