JULIEN BOSC
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JULIEN BOSC
Le coucou chante contre mon coeur

" Je ne sais ce qui m’arrive
Fors ce silence
Cette traversée
Dans le passé de la forêt ou la mer
Tantôt un fou de Bassan
Tantôt une chevêche
Il et elle très âgés
Qui les ailes faibles
Qui borgne
Un cri un baiser. 

Laisser faire
Ne pas s'en mêler
Être immobile
Le souffle retenu
Ecouter
Tout oublier du dedans
Être au dehors
Prêt
Nu de peau de tout
Pour l'aventure la dérive l'amour la mort."


Extrait de la postface de Jean-Claude Leroy :

« Rongé par le doute, et déterminé comme pas un, Julien Bosc n’a cessé de se vouloir poète. Il a payé le prix fort et il s’est fait poète. Et non pas comme d’innombrables semblants, mais poète très rare. André Bernold avait su déceler à la lecture d’un dialogue écrit sur le fil d’une tragédie sans nom, De la poussière sur vos cils, un texte unique. On peut en dire autant de cette geste murmurée par des gorges inactuelles : Le coucou chante contre mon cœur. Loin des discours engagés, des proclamations stériles, c’est à un exercice d’intériorisation que s’est livré un homme de ce monde, un homme désemparé, savant et sensible. Hanté par une sienne mémoire des vagues d’exil dans une Europe déchirée par la haine, né juif et redevenu juif par obligation morale dans une époque marchandant si volontiers toute dignité, redevenu errant, étranger démuni dans un pays de possédants marqués par le racisme toujours là et instrumentalisé à outrance, Julien Bosc a repris sans plaisir un rôle délaissé, celui du veilleur dans la nuit. Pour que l’humanité ne s’oublie pas tout à fait. »


JULIEN BOSC
Elle avait sur le sein
des fleurs de mimosa

"Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
Et
Sur les lèvres
Des mots de non-silence venus de là où loin le large de la mer
Entre bleu et vert"


JULIEN BOSC
La demeure et le lieu

"des neiges d'avril
écloses ou en boutons
de premières capucines
orange lie de vin ou jaune
un bouleau arqué par la neige à tout va d'une seule nuit
d'inattrapables montmorency en haut du cerisier de huit ans
l'ombre adolescente et pas peu fière d'un jeune tilleul
un ciel bleu
un ténu vent silencieux
une conscience exsangue la demeure et le lieu
et rien

hormis le geai des chênes simulant la crécelle
le fond du puits
la corde
la gorge et le galet"


JULIEN BOSC
De la poussière sur vos cils

"(Il y eut partout de la neige, du sang sur la neige, des corps sans sang ni vie dans la neige et des cris qui tuent dans la neige ; il y eut dans le ciel des bruits de moteurs aveugles qui s'en retournèrent sans avoir mis le feu au feu et il y eut ces milliers d'yeux qui regardèrent ensuite à tout jamais les cieux désertés.)

"(Il y eut la nuit dans la nuit et tant le jour tant la nuit il y eut les wagons et la mort et la folie dans les wagons ; il y eut la nuit et dans cette première nuit de l'hallucinante nuit il y eut les chiens, les hurlements et les chiens et il y eut la droite et la gauche, la mort ou son augure ; et, dans cette nuit de la première nuit il y eut un cri d'enfant — passée d'un côté à l'autre ; alors dans la nuit et dans la nuit du retour sans retour après la nuit il y eut la démentielle attente et la folie du jour après la nuit

— pour conjurer l'incessant.


Ah le seuil
Ah ici et là l'horizon
Ah la poussière de neige
- brûlée)


JULIEN BOSC
PAS

loin
très loin

virevolte un vocable
dans la nuit d'une bouche
close


JULIEN BOSC
Je n'ai pas le droit d'en parler

"Tracer des lignes.

Définir le périmètre des fondations, ne pas oublier la position du soleil, rassembler les outils (auge, truelle, langue de chat, burins, massette), préparer le sable de rivière, la chaux ; pierre après pierre, le cordeau tiré, élever les murs. Si nécessaire en pleine mer ou à l'extrémité du môle afin d'éviter les naufrages ou pour réapprendre à parler, syllabe après syllabe. Malgré la sentence.

Malgré la sentence réapprendre à parler, syllabe après syllabe, suivant les mouvements des lèvres réfléchis par le miroir."