Les nouvelles constructions, affichées avec fierté et bien vite imitées, sont des « espaces d'interdiction » - « conçus pour intercepter, repousser ou filtrer les utilisateurs potentiels ». Soyons explicite, le but des « espaces d'interdiction » est de diviser, séparer et exclure — et non de bâtir des ponts, des passages tranquilles et des lieux de rencontre, ou de faciliter la communication et de réunir les citadins.
Les innovations architecturales et d'urbanisme que Flusty distingue, liste et nomme, sont les équivalents actualisés techniquement des douves, tourelles et embrasures des remparts ; mais plutôt que de défendre la ville et ses habitants de l'ennemi extérieur, on les érige pour séparer les citadins et les protéger les uns des autres, désormais adversaires. Parmi les inventions que nomme Flusty, on trouve l'« espace fuyant », « espace que l'on ne peut atteindre, car les chemins d'approche sont déformés rallongés ou manquants » ; l'« espace épineux », « espace qu'on ne peut occuper confortablement, défendu par exemple par des arroseurs muraux activés pour éliminer les rôdeurs ou les rebords inclinés pour empêcher qu'on s'assoie » ; enfin l'« espace nerveux », « espace qu'on ne peut utiliser sans être observé en raison des patrouilles volantes de surveillance active et/ou des systèmes de contrôle à distance qui informent les postes de sécurité ». Ce type d'« espaces d'interdiction » et bien d'autres n'ont qu'un seul but, mais un but composite : couper les enclaves extraterritoriales du territoire continu de la ville, ériger de petites forteresses dans lesquelles les membres de l'élite supraterritoriale globale pourront entretenir, cultiver et savourer leur indépendance physique et leur isolation spirituelle de la localité. Dans le paysage urbain, les « espaces d'interdiction » deviennent les points de repère de la désintégration de la vie en communauté, partagé, et fondée sur la localité.